1. Madame Bovary revisitée


    Datte: 11/06/2020, Catégories: fh, forêt, amour, pénétratio, init, exercice, pastiche, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    Nous étions, Annaëlle et moi-même confortablement installées dans le salon de Nathan et échangions avec lui des réflexions sur les mérites et les méfaits réciproques des écrits érotiques et pornographiques. Aidés par d’abondantes rasades d’un excellent Gewürztraminer, sélection de grains nobles, nous avions épuisé le stock des banalités coutumières concernant ce sujet quand Nathan nous déclara :
    
    — Dans mes moments perdus, je m’amuse parfois à compléter les grandes œuvres littéraires en suppléant aux blancs qu’y ont laissés les auteurs, notamment en s’abstenant de développer les passages qui en auraient été les plus croustillants.
    — Mais c’est une infamie ! s’écria Annaëlle, toujours prompte à s’enflammer. Et peut-on savoir sur quels textes tu jettes ainsi ton dévolu ?
    — J’en ai toute une collection. J’ai ainsi un peu perfectionné la Bible en détaillant les aventures d’Ève et du serpent ou celles de Salomé. J’ai aussi enrichiMadame Bovary et m’applique ces temps derniers à parfaire le récit de la liaison entre Julien Sorel et Madame de Rênal.
    — Et peut-on avoir connaissance du résultat, demandai-je à mon tour, plus curieuse qu’indignée ?
    — Très certainement Laure, par quoi souhaites-tu que je commence ?
    — Si Annaëlle est d’accord, j’aimerais bien découvrir ce que l’on peut ajouter à la Bovary ?
    
    Annaëlle obtempéra et Nathan disparut dans son bureau dont il ressortit très vite agitant une liasse de feuillets.
    
    Avant que je ne m’attelle à cette lecture, une courte ...
    ... introduction est nécessaire pour bien resituer le contexte. DansMadame Bovary, l’héroïne de Flaubert finit par céder aux empressements de Rodolphe, pas plus pressants que les siens propres d’ailleurs. La scène est décrite comme suit :
    
    Dans le blanc séparant les deux phrases il faut imaginer la scène d’amour. Selon l’aveu de Flaubert et le témoignage de Louis Bouilhet, le tableau aurait été originellement développé par l’auteur puis supprimé sur l’insistance des participants au « gueuloir » brandissant le risque d’un procès. On sait que cela ne suffit point et que Flaubert n’en subit pas moins les foudres de la justice sous prétexte d’atteinte aux bonnes mœurs et de promotion de l’adultère. Personne ultérieurement ne retrouva trace de ce passage sulfureux dans ses nombreux brouillons.
    
    Notons cependant à propos de ladite scène d’amour que Rodolphe n’aime pas plus Emma que celle-ci ne l’aime. Ils sont chacun à la poursuite de convoitises différentes certes, mais foncièrement égoïstes en lesquelles l’autre n’a que peu de place. Que la littérature romantique dissimule l’acte charnel peut se comprendre, mais ces pudeurs conviennent mal au réalisme de l’auteur. Ce blanc n’est pas dépourvu de charme, répond sans doute aux tartuferies de l’époque, peut-être même à l’hypocrisie de la nôtre mais est indigne de la verve enflammée de Flaubert. J’aurais aimé lire cette page et à défaut de la retrouver, avec bien moins de talent, l’ai réinventée pour la livrer en ces termes :
    
    Voilà ...
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