Modern' Art - Histoires de Sexe

Modern' Art

... mais je raconterai tout cela une autre fois sans doute, revenons à notre histoire…

Ce soir-là, donc, nous étions six autour de la table du salon ultra-moderne de Denis. Denis qui menait les débats, Maurice et moi, ainsi que trois autres volontaires avec qui le courant passait moins bien. On n’était pas du même monde, eux et moi, et je me sentais un peu perdu, un peu « pas à ma place », au milieu de ces braves citoyens aussi intelligents que respectables qui avaient cette incroyable faculté de pouvoir parler des heures pour ne pas dire grand chose. Mais bon, je faisais ce que je pouvais pour m’adapter.

Tandis que le futur conseiller municipal chargé des finances de la commune pérorait sur la manière de faire baisser le montant astronomique de la taxe locale, mes yeux ne cessaient de se porter sur ce que je considérais comme la seule faute de goût dans la décoration intérieure de notre future maire : une peinture magnifiquement encadrée d’environ un mètre sur cinquante centimètres qui ne représentait absolument RIEN. Un gribouillis informe à dominante marron sur fond jaune pisseux. Absolument à chier. Je vis Denis sourire et regarder l’œuvre à son tour.

— Qu’est-ce que tu en dis ? me lança-t-il.
— Pas grand chose… Je ne suis pas suffisamment versé dans l’art contemporain
— C’est un jeune peintre qui exposait dernièrement. J’ai trouvé cela vraiment pas mal. Je me suis dit qu’il fallait l’encourager.
— Et tu as eu raison ! affirma péremptoirement le futur délégué à ...

... la culture. Il y a beaucoup d’audace dans cette œuvre. Je l’ai remarquée immédiatement en entrant. Cela attire l’œil et en impose.
— Oui, en effet, reprit le financier… Il émane de ce tableau une espèce de bestialité… Une force brute… Une virilité…
— Le jaune, couleur du soleil, de la vie… Et ce marron sublime qui rappelle le limon dans laquelle elle prend sa source… s’exclama le psy, futur conseiller des affaires sociales.
— J’aime l’art contemporain, reprit le cultureux, c’est l’avant-garde, une forme d’élitisme indispensable à toute forme de culture.
— Et vous Maurice, qu’en pensez-vous ? demanda Denis.
— Oh, moi, je suis un peu comme Simon. Je n’ai pas les clefs pour juger d’une œuvre pareille. Vous m’interrogeriez sur les classiques, je pourrais éventuellement donner un avis, mais là, je préfère rester à ma place. Celle d’un ignorant, pardonnez moi.
— Vous ne ressentez pas comme un appel à la sexualité ? demanda le psy.
— Non… Mais encore une fois, je n’y connais pas grand chose.
— Quel dommage, reprit le cultureux. Il faudra organiser des expositions éducatives quand nous serons élus. Le public doit s’approprier cette forme de culture sans laquelle la barbarie pourrait très bien imposer une forme de dictature dans les années à venir.

Après cet « intermède culturel », nous reprîmes nos travaux, et la soirée se termina paisiblement. Denis nous raccompagna sur le pas de la porte et nous allions partir chacun de notre côté lorsque soudain, Denis sembla se rappeler ...