Jeux de miroirs
Datte: 12/01/2020,
Catégories:
sf,
fantastiqu,
merveilleu,
fantastiq,
merveille,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... entendu. Santos, Lourdès et Marie-José se tiennent de l’autre côté de la table.
Arthur Sknocher reprend le fil de son difficultueux récit.
— Pieyre dire : je… secourir les enfants de mon frère. Et le tribunal dire okey, il signe. Alors, Pieyre a les pleins pouvoirs et il décide : je vendre la maison Guanahani achetée avec german gelt : argent allemand, sale. En vérité, Pieyre déteste Jacques. Il dire : Manuel et Marie-José à american shul… école américaine. Oublier leur père. Il me dire : Arthur partir en France et régler l’affaire, vendre la maison, ramener dos kind, Marie-José, Manuel. Je demander : et les Brésiliens ? Il me dire : s’iz ummeglekh, je n’en vouloir pas, ils appartenir à Jacques. Zeks, akht, tsen khoydesh, verser à eux le salaire indemnité qu’ils veulent et aller au diable…
Manuel, qui vient de se lever et arrive dans la salle. D’un geste impérieux, Lourdès commande que pas un mot ne soit prononcé sur la mort de son père. Qui sait quel pourrait être l’effet d’un tel choc sur Manuel ?
L’homme prend congé, mentionnant qu’il prendra pension à Vannes jusqu’à ce que tout soit réglé.
En fin de matinée.
Santos et Manuel disputent une partie d’échecs. À nouveau et fortement je viens d’avoir cette bizarre certitude d’une présence. Manuel s’arrête dans son jeu, tourne la tête, paraissant écouter bien que personne n’eût prononcé le moindre mot. Santos commente avec admiration les coups du garçon :
— Tu as mangé du lion !
Soudain, alors que je ...
... suis occupé à jeter quelques notes dans mon journal, du coin de l’œil je prends conscience d’un mouvement au centre de la salle à manger. Je lève la tête, surpris : il y a là une femme. Quand et comment est-elle entrée ? … Je cligne des yeux : est-ce que je me mets à avoir moi aussi des hallucinations ? Elle est floue. Silhouette-ombre dont les détails se précisent laborieusement tandis que je la fixe. Elle contourne la table et vient prendre place sur le banc entre Manuel et Marie-José. Santos et Lourdès paraissent n’avoir rien remarqué. Je n’ai pas bougé. Bien que trois pas à peine me séparent de cette femme je ne parviens pas à saisir ce qu’elle peut dire, ses lèves remuent à vide comme dans quelque film auquel manquerait la bande son.
Je n’arrive pas à lui donner un âge. Elle a la silhouette d’une adolescente, mais les yeux, le regard d’une femme qui en a vu de dures et s’est forgé une âme au feu de l’adversité. Je continue de cligner des yeux, la perd, la retrouve.
Manuel, très concentré, les sourcils froncés, parait écouter quelque inaudible musique connue de lui-seul. La femme se tourne vers lui et soudainement j’entends, je crois entendre sa voix
— Tu n’y arriveras pas, Manuel, tes dons restent sans effet sur moi.
Manuel hoche la tête :
— C’est vrai, je n’entends rien. Je ne peux pas vous atteindre.
— Moi, je peux, affirma-t-elle.
Je vois Manuel sursauter comme si quelque chose l’avait piqué.
Elle se tourne vers Marie-José :
— Tu te souviens de ...