1. Miroir déformant (1)


    Datte: 02/12/2019, Catégories: Divers, Auteur: Mir, Source: Xstory

    Plusieurs fois que je faisais le détour, en rentrant le soir, pour passer devant cet immeuble. Il m’intriguait : au cœur d’une zone en construction abandonnée, un vieux tas de béton inachevé. Il avait sans doute servi de squat, mais semblait inoccupé depuis longtemps. Sa silhouette, se détachant sur une lisière de bosquet, n’avait curieusement rien de laid : ce genre de lieu, en général sinistre, n’était ici que mélancolique. J’aimais le voir ; à force de le retrouver chaque jour, je finissais par connaître ses irrégularités, ses lézardes, ses taches étranges, son mystère.
    
    Ce jour-là, alors que je m’étais arrêtée pour observer la progression du lierre sur une des façades, un léger bruit métallique se fit entendre. Un bruit régulier, très assourdi, venant de l’intérieur. Je n’avais jamais franchi le seuil, peut-être était-il temps d’explorer...
    
    J’entrai dans l’immeuble désaffecté. Les bruits qui m’avaient attirée me guidèrent vers le centre, dans une obscurité de plus en plus profonde. Au détour d’un couloir toutefois, une clarté vacillante se fit jour : en m’approchant davantage, je compris qu’elle provenait de bougies, sans doute posées sur le sol. Je cessai alors d’avancer : les claquements secs que j’entendais de l’extérieur s’étaient amplifiés, provenant manifestement d’un meuble ou support métallique heurtant un mur avec plus ou moins de régularité. Ils s’accompagnaient de gémissements étouffés et de halètements. Je reculai alors : le couple (ou plus) présent ...
    ... apprécierait peu de me voir spectatrice, même involontaire. Les gémissements grandissants me retenaient malgré tout, voix d’homme et de femme mêlés, jusqu’à ce que des mots se fassent jour dans le flot régulier de plaisir sonore qui m’atteignait par vagues.
    
    Elle en réclamait plus, il ralentissait, elle le voulait encore, plus profond, entre ses jambes écartées, baisée plus fort plus vite et encore, encore, encore, alors que les claquements se réduisaient...
    
    La curiosité ne pouvait que me retenir. Je m’éloignai, cherchant un escalier dans ce bâtiment aux murs incertains : certaines pièces ne comportaient que les piliers d’angles, avec un peu de chance...
    
    Je trouvai un escalier non loin du couloir d’où me parvenaient maintenant de franches protestations. Il avait cessé ses mouvements en elle, elle le suppliait de reprendre. Une voix masculine finit par se faire entendre. Il ordonnait, décidait de son plaisir et du sien, et voulait l’entendre réclamer.
    
    Je courus presque, silencieusement, jusqu’au premier étage, et me redirigeai à l’aveuglette vers la conversation ponctuée de bruits – mouillés, glissants, claquants, mais rares.
    
    Je les entendais à nouveau nettement – prends-moi, s’il te plaît, prends-moi, baise-moi, prends ton plaisir dans ma chatte, branle-toi en moi oh s’il te plaît viens plus loin fourre-moi fort, plus, s’il te plaît s’il te plaît s’il te plaît – j’étais attentive à mon parcours : les débris de construction inachevée jonchaient le sol brut de cet ...
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