Tout ça pour une chambre ! - Histoires de Sexe

Tout ça pour une chambre !

— Frank ! À table, le déjeuner est prêt !
— J’arrive !

Je regarde encore un instant le voilier tirer ses derniers bords pour rentrer dans la baie de Plounerac et son charmant petit port breton. En connaisseur j’apprécie les manœuvres, mais mes devoirs familiaux m’appellent. Je me lève de mon transat pour me diriger vers la terrasse où, autour de la grande table, toute ma famille m’attend.

Je les observe un instant. Mon père et ma mère, le comte et la comtesse de Kerleven, sont assis en bout de table. De noblesse, il reste seulement le titre et cette magnifique maison qui domine la baie. Certains dans le pays l’appellent encore « le château » ; trop petit pour en être un, selon moi.

Puis on trouve mon frère aîné Erwan avec sa femme Géraldine, ma sœur Catherine, son mari Gérard et leurs enfants ; il y en a quatre, non, cinq : j’oublie le dernier, âgé de seulement quelques mois. La dernière chaise vide, elle est pour moi, le fils cadet, et un peu mouton noir de la famille. Je n’ai toujours pas de femme, d’enfant, ni même de travail fixe ; à 33 ans je suis un peu un « glandeur », comme dirait mon frère. Je me contente d’un petit appart à Paris et de quelques travaux pour un cabinet d’architecte. Ma mère exige plus ou moins notre présence à tous la semaine du 15 août chaque année, et ce depuis Mathusalem : la famille doit se retrouver !

Après la dégustation des crabes, ma sœur Catherine commence à m’asticoter :

— Bon alors, Frank, quand est-ce que tu nous ...

... présentes une fiancée ou une petite amie ?
— Bon sang, 33 ans, il serait temps, non ? Et des enfants, tu n’en veux pas ? surenchérit mon frère Erwan.
— Mais vous ne connaissez pas encore votre frère, tous les deux ? gronde mon père de sa position en bout de table. De plus il refuse de venir travailler avec nous. Frank, tu pourrais avoir un vrai métier et gagner de l’argent. Quel âge elle a, ta voiture ? Il serait temps de la changer, non ?
— Ben oui, quoi, vous ne me connaissez : comme tous les cadets je suis un fainéant qui ne pense qu’à lui, n’assure pas ses responsabilités et ne veut pas s’engager ! Je suis encore un post-ado, dis-je d’une voix ironique.

Je repense à mon arrivée : le crissement du gravier de l’allée sous les pneus de ma vieille 4L (voiture de collection, quand même !), mes parents sur le pas de la porte entourés de Catherine et de quelques neveux, ma mère se précipitant vers moi et me serrant dans ses bras.

— Frank, mon chéri ! Comment vas-tu ?
— Bien, maman, c’est super d’être à Plounerac ! L’air marin va me faire du bien.
— Mon chéri, il faut que je te dise : je t’ai installé dans la chambre du grenier, on a donné la tienne à tes petites nièces. Tu comprends, avec les escaliers…

Dormir au grenier et donner ma chambre à ces petites pestes ? Putain, les boules ! Mais je n’ai pas le choix.

— De toute façon, tu es toujours célibataire… me dit ma sœur en m’embrassant.

Je les regarde autour de la table ; ils m’observent tous. Quand je pense qu’on ...