Liselle, baronne des Grieux - Histoires de Sexe

Liselle, baronne des Grieux

... retrouvé pendu au lustre du grand salon. L’image l’avait horrifiée.

La Terreur avait largement débordé les fossés de Paris et les profiteurs avaient su enfourcher les thèses révolutionnaires pour opérer à compte propre dans les provinces voisines. Crimes et pillages s’accomplissaient au nom de la convention montagnarde, au nom des jacobins et encore au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Liselle des Grieux craignait moins les trimardeurs, les vagabonds et galvaudeux que les bourgeois opportunistes avides de pouvoir, et qui, entre eux, s’appelaient « citoyen ».

Après les dures épreuves de la cérémonie, de la mise en terre et des condoléances, l’abbé de Bruneville isola la jeune baronne.

— Madame, vous êtes en grand danger, les traîtres sont parmi nous, il vous faut choisir entre l’honneur et la vie. Au nom de Notre Seigneur Jésus Christ, choisissez la vie. Renoncez à vos biens et vos titres ; dérogez.
— Déroger ?
— Oui, madame, et rapidement.
— Mais, comment ?
— Mariez-vous avec un roturier.

Mademoiselle Liselle figea son grand regard noir.

— Mais, je suis déjà promise.
— Je sais, mais votre union avec le marquis de Roquevaire ne ferait que précipiter votre anéantissement. Et puis, l’aimez-vous seulement ?

L’ecclésiastique ne voulut pas tourmenter davantage l’orpheline en révélant ce qu’il savait des rumeurs qui entachaient le marquis, mais sa question choqua tout de même la fille.

— Si je l’aime ? Monsieur l’abbé, nous sommes ...

... fiancés depuis mon enfance, mon père avait acheté la bague et…
— La bague a été volée par les assassins de vos parents et votre galant fiancé n’est pas même venu à leurs funérailles.

Elle baissa la tête :

— … Il est en affaires.
— En affaires ou en fuite ?
— Qui devrait-il fuir ? s’alarma-t-elle.
— Écoutez, Liselle, l’aristocratie est en déroute, elle est moribonde, vous montrer plus fine que la gent politique vous demandera peu d’efforts. Votre union avec un roturier vous destituera de vos titres, vous serez une citoyenne que l’on laissera en paix, vous serez libre.

Il l’avait appelée par son prénom. Il ne s’adressait plus à la baronne, mais à la petite fille.

— Un roturier, dites-vous, mais qui ?
— Robin Morel.

Elle ouvrit de grands yeux.

— Morel ? Ce… Ce…
— Ce roturier.
— Je ne pourrai pas, protesta-t-elle en agitant les paumes.
— Justement, je pense que lui non plus.
— Je ne comprends pas.
— Il n’aime que son cheval et sa solitude. Pour rien au monde, il ne voudrait d’une femme chez lui, mais il me doit une faveur.
— Expliquez-vous.
— Jadis, votre père et moi avons secouru sa mère. Si c’est moi qui lui en fais demande, il acceptera de vous épouser à la condition, toutefois, que vous ne demeuriez pas en son manoir.
— Et où irai-je donc ?
— Cachez-vous quelque temps dans un couvent.
— Devrai-je tout perdre ?
— Très certainement, mais il vous restera la vie.

Les opinions sur le compte de Robin Morel étaient aussi variées qu’équivoques. Il ...