Liselle, baronne des Grieux - Histoires de Sexe

Liselle, baronne des Grieux

... rappelle quelqu’un ?
— Oui.
— Qui ?

Liselle se calmait.

— Un homme qui a travaillé au château, dit-elle.
— En qualité de ?

Elle hésita, comme on hésite avant d’admettre une méprise et baissa les yeux.

— Serrurier, je crois.
— Ça aide à franchir les portes n’est-ce pas ?

Liselle retrouvait sa sérénité, mais, encore renfrognée, demanda :

— Pourquoi montrer tant intérêt pour cette affaire ?
— Vos parents et l’abbé de Bruneville furent bons pour ma famille. Je leur dois des égards. Et puis, je me souviens d’une petite fille, comme un coquelicot dans les parterres de liseron du parc ; on l’appelait Liselle. Pendant longtemps son souvenir a persisté comme un baume pour le cœur… Bref, on a dû vous parler également de mes manies de chasseur ; sachez que je ne chasse pas que du gibier de table ; je suis délégué auprès des intendants aux affaires criminelles, parfois mandaté, parfois pas. À l’occasion je braconne l’homme. Ainsi ai-je retrouvé les assassins de vos parents.

Alors qu’elle l’écoutait, la jeune femme fut prise d’un soudain bouleversement. Le chasseur avait déplissé ses paupières et l’incidence de la lumière éclairait ses iris qu’elle n’avait pas encore vus. Elle ...

... pensa à son chat, son chat Vairon. Comme lui, Morel avait un œil au printemps et l’autre en automne. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. L’idée que le marquis avait signé son crime s’imposa brusquement. Il lui revint que son fiancé détestait les chats et particulièrement le sien dont il était jaloux. Plus que toute autre preuve, l’animal pendu au lustre accablait Roquevaire. Les autorités supérieures ayant changé son chaton en gros lion, Liselle se sentit moins orpheline. Les correspondances du destin ne sont-elles pas déchiffrables aux cœurs purs ? La belle enlaça le géant en souriant et sanglotant à la fois. La domestique sortit sur la pointe des sabots lorsque la jeune femme poussa l’homme à la renverse sur le lit. Feignant une mine tristounette, elle se pencha sur lui :

— Vous m’accompagnerez jusqu’au couvent de Rouen ? questionna-t-elle sur le ton de la prière.
— Si vous le désirez, citoyenne.
— Puis-je, auparavant, vous demander une faveur ?
— Je suis à vos ordres.
— Voudrez-vous m’instruire à la discipline équestre avant mon départ ?
— C’est que cela prend du temps…
— Combien de temps ?
— Possiblement toute une vie.
— Alors, première leçon, dit-elle en l’enfourchant.