La part de l'ombre - Histoires de Sexe

La part de l'ombre

... murmurer en étendant les mains dans sa direction :

— Viens à moi, ombre de la nuit ! Tu erres ici sans trouver le repos… Viens à moi et je te soulagerai. Je te ferai voir et toucher celle que tu voulais protéger… Je te la ferai voir autrement que dans tes rêves les plus fous… Viens à moi… Viens à moi…

Mais l’ombre vaporeuse disparut, semblant s’enfoncer profondément dans le mur de la grange. Et lorsque le sorcier tenta un sortilège pour l’en extirper, à nouveau la même décharge électrique violente se répandit sur ses mains. Le jeune homme hurla de douleur et son cri résonna dans toute la maison.

Pauvert, pourtant écrasé par le breuvage des Andes, sursauta, le coeur lui battant dans la gorge. Ce cri horrible semblait venir d’outre-tombe et résonnait en lui comme celui d’une bête à l’agonie… Non, il ne devait pas céder à la peur. Il chercha à tâtons la chandelle qu’il avait posée près de lui, saisit une allumette qu’il gratta et, une fois la flamme éclairant la table, il saisit d’une main tremblante une bouteille d’alcool de verveine et but une longue rasade à même le goulot.

— Si ça n’est pas magique, ça dissipera au moins mon malaise, se dit-il en tremblant.

Était-ce l’autosuggestion ou bien une réelle efficacité de la liqueur, mais il se sentit très vite beaucoup mieux. Ses pensées étaient claires, l’angoisse semblait s’être envolée. Il tenta de se lever. Plus rien ne tournait. Il entendait le ronflement régulier du Père Bideau et lorsqu’il s’approcha du ...

... matelas, il croisa le regard de Louis qui avait sursauté au même bruit et s’était réveillé.

— Vous avez entendu ? chuchota Pauvert d’une voix pâteuse.
— Oui, répondit le luthier sur le même ton. On aurait dit un cri de bête qu’on égorge…
— Ça doit être un milan qui chasse.
— Non, pas à cette heure de la nuit. On dirait presque un cri humain… Vous ne sentez pas ? Je suis sûr qu’IL est là… C’est LUI !
— Voyons, Bergheaud…
— Je le sens… Il est tout proche. Il veut rentrer dans la maison.
— Comment voulez-vous qu’un mort vienne crier sous nos fenêtres ? Peut-être que mes agents ont cauchemardé ? Votre café a un drôle de goût, à croire qu’il était…
— Empoisonné ? Vous aussi vous vous êtes senti bizarre après l’avoir bu ?
— J’ai eu un malaise, comme si l’on voulait me faire dormir de force. La liqueur de verveine semble m’avoir remis d’aplomb. Vous en voulez ?
— Pourquoi pas ?

Pauvert lui tendit la bouteille et Louis but à longs traits. Il se sentait mieux lui aussi. Il posa la bouteille à côté de lui, tenta de se lever, mais la tête lui tourna.

— Attendez un moment que la liqueur fasse son effet : je sors quelques minutes. Rejoignez-moi un peu plus tard.

Dehors, la nuit pesait lourdement sur la ferme, exhalant les parfums du chèvrefeuille, du rosier grimpant et du foin nouvellement entassé dans la grange. La chaleur avait rendu les murs chauds sans que l’obscurité parvienne à rafraîchir la pierre. Pauvert s’avança sur le seuil, une bougie à la main, et scruta les ...