Les ombres de Jeen
Datte: 19/10/2019,
Catégories:
nonéro,
fantastiq,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... nous pousse au mal, parce que tout le monde ne voit pas ce que je vois, ce n’est pas normal ? Je suis folle ? Parce que la science ne peut pas expliquer les phénomènes que je vois, je suis folle ? Ces filles, au Portugal, elles ont disparu, on ne les a jamais retrouvées. Elles se sont évanouies dans leur obscurité. Vous pourrez vérifier dans les archives.
Ils restèrent silencieux, lui complètement dérouté, elle tranquillement adossée à l’escalier, les yeux vides, fixés sur ses photos.
– J’ai découvert la photographie, peu après, poursuivit-elle d’une voix cassée. Les photographies ne mentent pas. Toutes celles que vous voyez accrochées à ces murs, ce sont tous les endroits où je sais que la nuit règne, même pendant le jour. Des portes de l’enfer ? Des entrées sur une autre dimension ? Des êtres malfaisants nichés dans la terre et ressortant au moment propice ? Qu’est-ce que j’en sais, moi ? Je n’y comprends rien.
Ces lieux sont mauvais, voilà tout. Je le sens. Et si je restais la nuit, j’y verrais des ombres chuchotantes, et elles viendraient me prendre. Et moi aussi, je retournerais dans ma propre obscurité. Croyez ce que vous voulez croire. Un jour, je sais que j’en ferai partie. Mais parfois, je me demande si nous ne sommes pas déjà tous dans la fiction. Si ce que l’on fait vient de nous, ou si quelque chose d’autre guide nos actes, vers le bon ou le mauvais.
Vous croyez en Dieu, vous ? Moi, je ne sais pas. Si je crois au mal, je devrais logiquement croire en ...
... Dieu, n’est-ce pas ?
Il ne sut que répondre. Elle sortit ses lunettes d’une poche de sa tunique, les essuya minutieusement. Dans ses yeux bleus, toute la détresse du monde.
– J’ai peur, dit-elle enfin. Mais personne ne peut comprendre ce que je ressens…
Stéphane sembla alors enfin trouver le moment opportun :
– Je… je voudrais vous avouer quelque chose, murmura le jeune homme en se levant, péniblement. Je ne m’appelle pas Sébastien, mais Stéphane. Et je ne voulais ces photos de moi que pour usage privé : je ne suis pas mannequin, je ne vais pas les envoyer à des agences. Enfin, je ne sais pas. Parce que je vais peut-être me faire virer. Mais à vrai dire, si vous me laissez faire… peut-être que je ne le serai pas. Je suis journaliste, Jeen.
– Oui, je sais, répondit-elle, imperturbable.
Il fut décontenancé. Elle le regarda avec un gentil sourire.
– Je sais, répéta-t-elle. Je voulais te rencontrer. Je voulais que tu racontes mon histoire. J’ai demandé à ton collègue, Paul, de te conseiller mes talents de photographe. J’ai vu la rubrique dont tu t’occupes dans ton magazine. Et je voulais que tu écrives mon histoire.
Stéphane se sentit devenir blanc comme un linge. Il ne fit même pas attention au brusque tutoiement qu’elle avait utilisé. Du coup, il se rassit.
– Alors… alors… balbutia-t-il. Vous m’avez menti ? Tout ce que vous m’avez raconté, c’était du pipeau ? Vous vouliez juste voir votre nom dans le magazine ? C’était faux, hein ?
Elle le regarda ...