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Les habits de l'empereur
Datte: 17/12/2025, Catégories: #sciencefiction, #fantastique, Auteur: Pitziputz, Source: Revebebe
La saison battait son plein depuis plus de quinze jours, mais le point d’orgue de cette fashion week était sans nul doute le défilé de Missa Gore. Depuis des heures, le Tout-Paris se pressait devant le hangar très « ancien style » dans lequel l’événement était programmé. La foule, composée d’humains et de créatures analogues, rivalisait d’amabilité dans un chatoiement de couleurs qui se lisaient de loin dans un geyser de nuances. Missa Gore savait se faire attendre. "La créateur" ne présentait une nouvelle collection que tous les deux à trois ans, et sa production, confidentielle et sélective, était déjà entièrement vendue avant même qu’il ne la présentât. Les modèles d’occasion, rares, se vendaient aux enchères, et ceux qui avaient eu la bonne fortune d’en acquérir un du temps de ses débuts s’étaient retrouvés riches à millions. Jabot était l’une de ces chanceuses. Elle avait fait la connaissance de "la créateur" lorsqu’elle n’était encore qu’un ver à soie en quête de chrysalide. Elle avait, et c’était le comble, gardé, sans s’en rendre compte, l’un des tout premiers modèles imaginés par celui que l’on allait ériger en dieu vivant. Elle s’apprêtait à s’en débarrasser quand elle avait pris conscience de son filon. Avec ce qu’elle en avait retiré, elle avait acquis un autre modèle, puis un suivant et un autre ensuite. Elle était rapidement devenue incontournable pour qui cherchait un modèle de collection. Elle trônait aujourd’hui parmi les VIP, jaugeant la foule ...
... compacte avec un dédain que seule la fonction « privacy » de sa combinaison lui permettait de masquer. Personne ne savait à quoi Missa Gore ressemblait, il n’affichait pas de genre et gardait jalousement le secret sur la nature même de son humanité. Les rumeurs allaient d’ailleurs bon train, d’aucuns affirmant qu’il ne s’agissait que d’une intelligence artificielle. Au bénéfice d’un sésame très convoité, Cecilia faisait partie de cette jet set privilégiée qui avait non seulement le droit d’y paraître, mais surtout l’insigne honneur d’être l’une des happy few choisie pour dépenser une somme indécente et arborer l’une des nouvelles combinaisons originales de cette année. Dehors, dans la cohue, le visage entièrement masqué, comme exigé par la loi, Juliette priait pour être la plébéienne chanceuse qui aurait la bonne fortune de gagner l’unique exemplaire inédit, charitablement offert par le célèbre couturier. Son vêtement, à peine encore thermique, ne laissait plus rien transparaître. C’était un modèle restauré, vieux de quatorze ans, acheté d’occasion chez un revendeur. Même la fonction « prise de température » n’avait jamais vraiment fonctionné, et la dernière fois qu’elle avait voulu entrer dans un bâtiment officiel, le vigile, bien humain, l’avait jaugée avec dédain : — Va t’acheter au moins un thermomètre si ta pelure ne fonctionne pas ; à cette température, tu devrais être morte carbonisée. Pendant que Cecilia s’enfonçait dans un fauteuil immatériel aussi ...