1. Le feu sous la cendre


    Datte: 08/12/2025, Catégories: Dans la zone rouge, Auteur: Cyp-Perruche, Source: Hds

    Les nuits, à la ferme, ne faisaient pas de bruit. Le silence y était une chape. Une buée invisible plaquée contre les vitres, contre la gorge, contre les reins.
    
    Marianne s’éveillait parfois sans vraiment dormir, à demi allongée dans un lit trop vaste, trop sec, où l’on n’échangeait plus rien depuis longtemps. Elle avait vingt et un ans, la peau encore souple, les cuisses fermes, le cœur plein de ce qu’aucun homme n’avait su nommer — mais déjà, elle s’éteignait à petits feux, dans le lit d’un mari qui ne la voyait pas, qui ne la touchait que pour la prendre, sans un mot, sans un regard.
    
    Pascal, lui, n’était pas violent. Il n’était même pas méchant. Il l’aimait, à sa façon. Mais il buvait trop, parlait peu, et lorsqu’il la rejoignait dans ce lit conjugal devenu tombe de désir, il le faisait sans tendresse, sans préambule, comme un devoir conjugal exécuté à la va-vite, comme un acte purement mécanique, animal, déconnecté de toute chaleur humaine. Il la déshabillait comme on enlève une bâche trempée, ou comme on arrache un linge humide, la plaquait contre le matelas, s’aidant de sa main pour s’introduire en elle sans ménagement, sans attendre son souffle, sans chercher son regard. Et quand il venait, c’était toujours hors d’elle qu’il éjaculait par de puissant jets : sur son ventre, sur ses seins, parfois même sur son visage — comme s’il achevait quelque chose qu’elle n’avait jamais commencé.
    
    Puis il se retournait et dormait. Et elle, nue, encore tiède, restait là à ...
    ... fixer le plafond. À respirer comme on s’excuse. À serrer les jambes pour ne pas éclater et dès qu’il s’endormait, elle se caressait en s’imaginant un amant virtuel..
    
    Elle n’avait jamais crié. Jamais supplié. Elle avait grandi droite, dans une famille sèche, chez qui on mariait les filles en échange de terres. Pascal avait les hectares, elle avait la jeunesse. L’affaire avait été conclue sans tendresse. Elle l’avait suivie sans haine.
    
    Mais depuis quelques mois… ça grondait en elle. Quelque chose. Quelque chose de vaste, d’humide, de fauve. Elle n’avait encore rien fait. Rien dit.
    
    Mais il suffirait d’un regard. D’un souffle. D’un homme qui ne la prendrait pas… mais qui demanderait de la posséder.
    
    Et elle brûlerait.
    
    Une nuit comme toutes les autres
    
    Le lendemain, Pascal était parti à l’aube. Il devait passer la journée chez un cousin, pour une livraison de bois. La maison était vide, calme, traversée de lumière pâle et d’odeurs de café noir. Vers dix heures, alors qu’elle étendait du linge sur la corde derrière la grange, elle entendit frapper.
    
    Un coup discret. Puis deux autres. Elle s’essuya les mains sur son tablier, contourna le mur. Un homme se tenait là. Grand, brun, à la quarantaine tranquille. Il tenait une sacoche en cuir usée contre la cuisse.
    
    — Bonjour, dit-il. Je suis le docteur Julien Morange, le nouveau vétérinaire.
    
    il parla peu, mais bien. Il ne dragua pas, mais il regardait Marianne, comme une femme vivante, non comme une épouse ou une ...
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