Notre-Dame de la Virginité
Datte: 26/08/2019,
Catégories:
nopéné,
init,
nonéro,
portrait,
Auteur: Amarcord, Source: Revebebe
... Tu y es allée ?
— Non, je lui ai expliqué. Pas tout, comme à toi, mais suffisamment pour qu’elle comprenne. C’est merveilleux qu’on puisse se dire plein de choses en confiance dans notre famille. Mais il y a en a certaines qu’on n’a malgré tout pas envie de partager avec ses parents. Et qu’ils n’ont pas envie d’entendre non plus, d’ailleurs.
— Elle a dit quoi, maman ?
— Qu’il fallait que ça cicatrise. Que je retrouverais un autre copain.
— Et ?
— Je lui ai dit que c’était hors de question. Seul Jonas avait le jazz en lui.
Elle rit.
— Comment ? Il jouait de la trompette, ton amoureux ?
— Non, trop compliqué, laisse tomber.
— Maman, elle a compris, pour le jazz ?
— Oui. Clairement. Mais elle m’a quand même dit qu’il fallait que je me console, que je m’ouvre des perspectives. Je lui ai dit que je n’en voyais que trois.
— Lesquelles ?
— Un : m’envoyer en l’air avec un max de mecs, ça évite de s’attacher. Tu devines que ça ne lui a pas paru une bonne idée. Deux : entrer au carmel, vu qu’ils ne prennent pas de gonzesses à la Légion. Ça, c’était pour la faire rire. Elle m’a dit que de toute façon, les béguines me chasseraient après une heure.
— Et la trois ?
— Celle que j’ai suivie : souffrir, mûrir, apprendre, étudier, et voir ce que la vie me réserverait. Mais oublier ceux que j’ai aimés, surtout pas. Tu l’as oublié, Bon-Papa, toi ? Il ne rend pas visite à ta mémoire, parfois ?
— Ce n’est pas la même chose.
— Je te l’accorde.
— Tu ne lui as pas écrit, à Jonas ...
... ?
— Non. C’était le contrat : ne pas lui attacher de fil à la patte, qu’il vive pleinement ses nouvelles expériences aux antipodes, sans avoir à constamment vouloir me rejoindre. Et puis je me disais que de toute façon, il y aurait une foule de beautés californiennes qui ne tarderaient pas à croquer un si beau jeune homme, et que moi la gamine, je n’étais pas de taille à lutter.
— Tu crois que ça lui a réussi ?
— Je l’espère. Il lui aura sûrement fallu du temps. Sentimental comme il l’est, il a dû me pleurer davantage encore.
— Mais alors, il aurait pu t’écrire, lui aussi ?
— Il ne l’a pas fait, et c’est ce qui me fait dire qu’il s’est sans doute consolé dans les bras d’une autre. Et puis lui non plus ne voulait pas restreindre ma liberté, d’autant plus qu’il disait qu’en étant si jeune, j’allais traverser des années qui allaient me confronter à des tas d’expériences qui me changeraient. Il ne se sentait pas en droit de me demander de l’attendre pendant deux ans ou plus. Au risque d’être déçue à son retour.
— Tu crois que tu l’aurais attendu ?
Je réfléchis.
— Honnêtement, oui. S’il avait ne fût-ce qu’évoqué une chance, je me serais sans doute gardée pour lui. Mais peut-être aurions-nous eu tort, peut-être aurions-nous entre-temps changé.
— Putain, c’est vachement con, votre histoire.
— Non, je ne retiens que la beauté, l’émotion de ce moment où je me suis offerte à lui, la façon dont il s’est voué à moi. Et qui sait, sans doute avait-il raison ? Il est peut-être ...