Un éléphant chez les événementiels
Datte: 08/03/2018,
Catégories:
nonéro,
Humour
merveilleu,
sorcelleri,
merveille,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
Bertrand était ému jusqu’aux larmes en franchissant pour la première fois la voûte majestueuse de l’École Robert Houdin.
Il y avait de quoi. N’était pas admis qui voulait dans la célèbre école.
Il avait dû, pour coiffer enfin le bonnet de laine noire traditionnellement porté par les étudiants de Houdin, convaincre les enseignants de l’École, réunis en assemblée extraordinaire dans la grande salle, qu’il n’était pas, qu’il n’était plus un « Éléphant ».
Dès l’aube et jusque fort avant dans la matinée, ils l’avaient évalué sans aucune pitié, brutalement même. Ils ne pouvaient croire qu’un Non-É (un « Éléphant », comme on disait en jargon Houdin) et un homme de son âge qui plus est, montrât subitement des aptitudes assez exceptionnelles pour justifier son admission à Houdin.
Contracté, convaincu au fond de lui-même que le grave aréopage allait le remercier et, au mieux, exprimer des regrets polis, Bertrand dut répondre tout d’abord à des rafales de questions portant sur son passé. Les professeurs s’attardèrent sur des épisodes dont Bertrand n’entrevoyait guère le rapport avec le don éventuel qu’il pouvait posséder.
Son récit fut celui d’une vie des plus ordinaires. Il avait atteint l’âge de quarante ans sans soupçonner qu’il possédât une once de don particulier.
… « Une vie d’Éléphant heureux », pensa-t-il soudain.
Il vit alors de discrets sourires se promener sur les faces jusque-là fermées des professeurs et il commença à mieux comprendre la nature réelle ...
... de l’examen qui venait d’avoir lieu.
* *
*
… « Je suis à Houdin, papa. Si tu pouvais voir ça. »
C’était à son père, récemment décédé, qu’il avait choisi de dédier cette victoire.
Il respira profondément et jouit intensément de l’instant en parcourant d’un regard circulaire la cour pavée.
Il se demanda lesquels parmi les jeunes gens coiffés comme lui du bonnet de laine noire appartiendraient à la Promotion « coachée » par la redoutable Brigitte Volequin ?
Justement, la grande femme brune, figure emblématique de Houdin, traversait la cour.
Brigitte Volequin était une célébrité. Les chaînes de télévision, toujours en quête de personnalités fortement médiatiques, ne perdaient jamais une occasion de l’inviter. Très belle, toujours vêtue à la dernière mode, elle possédait surtout un sens de la répartie capable de « clouer » le plus teigneux des interlocuteurs.
Elle vint dans la direction de Bertrand et le salua d’un sourire :
— Je me demandais si vous alliez venir…
Il avoua avoir effectivement hésité, le matin même, avant de se jeter dans l’aventure.
— Vous auriez passé le reste de votre vie à regretter cette lâcheté, dit-elle. D’ailleurs, si vous n’étiez pas venu je serais allée vous chercher en personne par la peau du cou.
Il connaissait assez la légende de Brigitte Volequin pour savoir qu’elle ne plaisantait pas.
Elle ôta son bonnet, l’agita en l’air et lança :
— Ohé, ohé, par ici, les gars et les filles de Brigitte !…
Les autres ...