1. 0321 Sous les vents contraires, le Roseau plie…


    Datte: 27/07/2025, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    ... insouciance, avec inconscience.
    
    Aujourd’hui, tu réalises que ton corps est fait lui aussi de chair, d’os et de sang. Tu réalises qu’il est précieux, car il est fragile. Ce n’est que maintenant, trop tard, après cet accident qui remet tout en question, qui bouche ton horizon, que tu réalises le danger que tu courais à chaque action de match, à chaque entraînement.
    
    Certes, tu avais entendu parler de joueurs blessés, de convalescences qui s’étirent, de joueurs qui ne reviennent jamais au niveau d’avant, tu as entendu parler de carrières brisées. Mais l’inconscience de ta jeunesse t’a toujours amené à penser que cela n’arriverait qu’aux autres.
    
    Et puis, sans crier gare, c’est arrivé à toi. Et ça t’a conduit là où tu es maintenant, immobilisé dans ton canapé, en train de déprimer à fond. Tu sais que tu ne reviendras pas au rugby si tu es diminué, tu ne veux pas finir à jouer dans une petite équipe.
    
    Alors, tu te dis que le sport professionnel c’est fini pour toi. Et cela te plonge dans une immense détresse. Car, après avoir goûté pendant un an et demi au monde étincelant du rugby, la perspective d’une vie ordinaire avec un petit boulot ça te fiche les boules.
    
    Oui, si le rugby c’est fini pour toi, qu’est-ce qu’il te reste dans ta vie ? A quel rêve, à quelle ivresse tu vas pouvoir t’accrocher désormais pour faire taire tes démons intérieurs ?].
    
    Jeudi 27 mars 2003, au soir.
    
    C’est dur de voir Jérémie pleurer. Ses larmes passent de ses joues aux miennes, et elles ...
    ... me transmettent toute sa souffrance. Une souffrance refoulée, pleine de colère, une colère pleine de désespoir.
    
    — Va-t’en, Nico, pars loin d’ici. Tu vois pas que je suis en train de couler ? Ne coule pas avec moi !
    
    — Je ne partirai que quand tu iras mieux. Et personne ne coulera. Je te promets que tu iras mieux. Je te promets que un jour tu joueras à nouveau au rugby et encore mieux qu’avant l’accident. Je te promets qu’un jour tu gagneras le Top16 avec le Stade. Mais pour ça, il faut y croire. Pour cela, il faut continuer à croire en tes rêves.
    
    Oui, je sais que je distribue de l’espoir à crédit, à découvert, sans prendre aucune garantie, en encourant un risque fou. Mais en voyant Jérémie dans cet état je ne peux faire autrement que lui donner quelque chose à qui s’accrocher, coûte qui coûte. J'ai besoin d'y croire et je veux qu'il commence à l'envisager.
    
    Je pense aux mots du chirurgien du train :
    
    « Et surtout, il faut s’arranger pour qu’il n’arrête jamais d’y croire, même s’il prétend le contraire. Car l’espoir est l’élément clé de la guérison. Il n’est bien évidemment pas suffisant, mais il est terriblement nécessaire ».
    
    — Tout est possible, pourvu qu’on continue à rêver, je lui glisse, alors que mes sanglots se mélangent aux siens.
    
    Les joues de Jérém sont encore humides lorsque Thibault et Maxime rentrent à l’appart. Le petit brun s’en rend compte. Il prêtend avoir oublié de prendre le courrier, tout en faisant disparaître en catastrophe les enveloppes ...
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