1. 0321 Sous les vents contraires, le Roseau plie…


    Datte: 27/07/2025, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    Mars 2003.
    
    [Tu étais sur une lancée magique, Jérémie Tommasi, et tout te réussissait. Pendant les matches, tu marquais des points à tour de bras. Tes co-équipiers t’admiraient, tes adversaires te redoutaient, le public du stade vibrait à chacun de tes essais. Et ça te donnait comme une sorte de délicieuse ivresse qui te portait, qui te donnait des ailes, qui te poussait à te surpasser, à aller toujours plus loin.
    
    Sur le terrain, tu te sentais bien. Parce que tu te sentais à ta place. Parce que pendant deux fois quarante minutes, tu étais Tommasi12, un gars avec qui la moitié de la France voudrait jouer au rugby et être pote, et l’autre moitié coucher avec.
    
    Sur le terrain, tu n’étais que puissance, aisance, talent insolent. Tu étais l’incarnation de l’image que tu voulais donner de toi. Tu construisais ta légende personnelle match après match. On t’annonçait une carrière fulgurante. Certains te prédisaient même des matches en équipe nationale dès l’année prochaine.
    
    Chaque samedi, l’espace de deux ou trois mi-temps, tu oubliais tes doutes, tes interrogations, tes blessures. La peur qu’on découvre ton secret. Tu te sentais tout puissant, tu te sentais invincible, inarrêtable. Tu te sentais immortel. Et cette sensation était la plus grisante de toutes.
    
    Mais ton bel élan et tes faux sentiments de toutes puissances ont été stoppés nets, un samedi de mars, à quelques minutes de la fin de la mi-temps. Tu t’étais envolé, tu étais monté très haut. Et soudain, tu es ...
    ... redescendu sur terre, brutalement, au sens propre comme au sens figuré. Et ça a fait un mal de chien. La douleur physique et morale a été insoutenable.
    
    Aujourd’hui, tu es fracassé, dans ta chair et dans ton esprit. On t’annonce de longs mois de rééducation, loin du rugby. Huit mois, dans le meilleur des cas, loin de tout ce qui fait le sel de ta vie.
    
    Huit mois, ça te parait une éternité. Hier encore tu étais une star sportive montante, dans huit mois tu ne seras plus personne. Tu vas te démuscler, et beaucoup plus vite que tu t’es musclé. Tu vas perdre tous tes atouts. En huit mois, l’équipe va apprendre à se passer de toi. En huit mois, tout le monde va t’oublier. Tes coéquipiers, tes supporters, la direction de l’équipe. Ton contrat de joueur va-t-il seulement être renouvelé à la fin de la saison, alors que tu ne seras toujours pas revenu sur le terrain ?
    
    A quoi bon, au fond, puisque tu te dis que tu ne reviendras jamais au niveau d’avant ! Tu te dis que tes blessures sont trop graves. Et que même si tout se passe bien, tes tendons ne seront plus jamais aussi résistants qu’avec l’accident. Et même s’ils l’étaient, le souvenir de la douleur que tu as ressentie te tétanise. Tu ne veux plus jamais ressentir cette douleur atroce. Tu ne sais même plus si tu vas oser courir à nouveau un jour.
    
    Et encore moins jouer au rugby. Car depuis cet accident quelques chose a cassé dans ta tête. Jusqu’à c jour, le contact avec les adversaires ne t’a jamais fait peur. Tu y allais avec ...
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