La rencontre
Datte: 06/07/2025,
Catégories:
fh,
Collègues / Travail
amour,
rencontre,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
... Madame. La nana de l’accueil fait un résumé rapide et connecte sa cheffe sur le dossier Rezzin, puis retourne dans son urinoir.
— Monsieur Rezzin, il est évident que je ne peux pas traiter personnellement tous les dossiers. Mais là, j’avoue moi aussi ne pas comprendre… D’abord, vous ne devriez pas être ici, mais à l’APEC ?
— J’y suis inscrit également, mais pour toucher quelques aides suite à quelques emplois précaires, je dois bien passer par la case Pôle Emploi. Et puis, ça multiplie mes chances…
— Ce n’est pas faux. Donc, d’après vous, il semblerait que votre ancien employeur fasse en sorte de vous empêcher de retrouver un emploi ? Mais pour quelle raison ?
— C’est une longue histoire, Madame.
— Allez-y, il est bientôt midi, l’agence va fermer, nous avons donc tout le temps.
— Voilà. Parcours scolaire plutôt brillant, classe prépa, HEC et recherche d’emploi. En une semaine, j’étais embauché par les ateliers Granradin, ferronnerie d’art.
— Oui, je vois, belle entreprise.
— C’est vrai. Monsieur Granradin a pris la suite de son père, simple maréchal-ferrant, et comme il n’y avait plus de chevaux à ferrer, il s’est mis à fabriquer des portails, des salons de jardin, des luminaires… Bref, tout ce qui peut se faire en fer forgé. La vieille boutique a dû embaucher, déménager, et a connu une ascension fulgurante. Chacun dans son petit pavillon se devait de posséder du « Granradin ».
— C’est juste, dans le secteur on en voit partout.
— Granradin ne se sentait plus de ...
... limites, il était en pleine réussite. C’est ainsi qu’il est devenu Conseiller municipal, puis départemental et, avec sa gouaille et sa suffisance, il a pris la tête de la Chambre des Métiers et est entré au Conseil économique et social. Il représentait la réussite, le petit artisan de campagne devenu industriel.
— C’est vrai que c’est plutôt une belle réussite, non ?
— Certes. Mais c’est un peu comme les macarons Michelin : quand le chef n’est plus derrière les fourneaux, on peut les perdre. Et lorsque j’ai été recruté en tant que commercial, l’homme vivait sur sa réputation, sur quelques marchés publics qu’il parvenait à décrocher par relations, mais le chiffre d’affaires était en chute libre. Arrivée sur le marché de la concurrence des grosses enseignes de bricolage, qui proposent des produits de bel aspect, mais beaucoup moins cher. De plus en aluminium ou PVC, sans entretien et sans rouille.
— Alors ? Vous avez trouvé une solution ?
— Oui. Ce que proposent les magasins de bricolage, ce sont des tailles standard, il faut s’adapter à leurs mesures et non l’inverse, et il faut se débrouiller soi-même ce qui n’est pas toujours évident. Pour qu’un portail s’ouvre et se ferme correctement, sans frotter et tienne ses réglages dans le temps, c’est un métier. Je lui ai un peu forcé la main. Quelques employés étaient presque en chômage technique. Plutôt que d’user le temps à balayer, j’ai proposé de les former et d’ouvrir un atelier alu sur mesures.
— Pas mal… !
— Oui, ça a ...