Leurre de gloire - Histoires de Sexe

Leurre de gloire

... réflexion laissa Jules pensif. Cette femme avait dit qu’il était un saint ! D’ailleurs, existe-t-il déjà un Saint Jules ? Peu importe, car il voyait que la situation de sauvetage qu’il avait créée était bien précaire. Comment faire perdurer la chose, il ne savait encore, mais avisant le père Maillard, il fonça sur lui.

— Dites-moi, mon père ?
— Ah, encore vous, frère moine !
— Oui, nous n’avons pas terminé notre tâche.
— Comment cela, pas terminé ? J’ai sacrifié mon repas, ne trouvez-vous pas cela suffisant ?
— Absolument pas, il faut pérenniser la chose. Vous devez bien connaître des dames patronnesses qui pourraient prendre en compte ces pauvres gens ?
— Des dames patronnesses, non, mais il y a Madame la Comtesse !
— Une comtesse, intéressant, allons la voir.
— Mais voyons, on ne peut pas, sans être annoncé.
— Mais si, mais si on peut, dit Jules en entraînant le prélat par le bras.

La course ne fut pas exagérément longue, le château se trouvant dans la périphérie immédiate de la ville. Le Comte et la Comtesse de la Villandrière occupaient une vaste bâtisse, héritage d’une très longue lignée aristocratique.

Leur arrivée ne choqua personne, tellement l’époque était à la tourmente. Les maîtres de céans accueillirent les visiteurs dans le grand salon et leur prodiguèrent forces amabilités. Le comte, ancien colonel de Cavalerie avait perdu une jambe en 1917 dans une obscure bataille en Lorraine. Cela n’avait entamé sa bonne humeur que dans la mesure où il ne ...

... pouvait plus en découdre avec les Teutons.

La châtelaine était une femme affable qui assura que la cuisine du château lui était ouverte et subviendrait aux besoins des réfugiés dans l’église. Elle proposa aussi aux deux religieux de partager leur table, car ils allaient bientôt y passer.

Toutefois, la comtesse, Alice de son prénom, trouvait que les remugles émanant du visiteur offensaient fortement son odorat. Il faut avouer qu’une quinzaine sans bain n’encourageait pas une proximité olfactive. La proposition d’ablutions de l’hôtesse fut donc acceptée avec joie.

La bure étant dans un état similaire, un vêtement propre lui fut prêté. C’était donc un parfait dandy qui réapparut. Si le curé n’y fit absolument pas attention, trop occupé par son ventre qui gargouillait, le maître de maison eut un sourire amusé et son épouse un éblouissement. Il faut dire que Jules était bel homme et savait, de par ses manières, plaire aux femmes. Le majordome se présenta et dit :

— Madame la Comtesse est servie.

Le repas, raffiné comme il se devait dans ce genre de maison cossue, se déroula agréablement. Le café fut servi au petit salon. Le prêtre ne tarda pas à s’assoupir, les fatigues de la digestion le terrassant. L’hôte proposa un cigare à l’invité et tous deux s’installèrent en vis-à-vis.

— J’imagine, mon ami que Frère Jules n’est pas vraiment votre identité.
— Disons que le « frère » est de trop.
— Il reste donc Jules et dire « Monsieur Jules », fait tenancier de bouge, ce ...