1. Comme des diamants échoués


    Datte: 12/07/2019, Catégories: caférestau, nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... aussi rapidement qu’ils y étaient entrés.
    
    Un brusque sentiment d’oppression me saisit soudain, me coupant la respiration. Je réalisai l’angoissante immensité du ciel qui se déversait sur moi, etmoi, infime grain de sable, perdu dans la ville noire et blanche, occupé à observer des fragments de vie ; ces têtes et ces pas, qui pensaient et marchaient vers un but précis, et qui me paraissaient étrangers à ma propre vie.
    
    Ici même, des gens existaient, parlaient, et je n’étais qu’une minuscule partie d’eux, un cœur incertain qui les contemplait, sans avoir jamais trouvé un sens à leur quotidien, à leur destin. Et tandis que nos chemins menaient irrémédiablement à la mort, ce ciel, déjà teinté par la couleur de la nuit, nous écrasait de sa terrible indifférence, et de ses larmes glacées.
    
    A cet instant, le paysage devint un gros détail, oblitérant tout ; un gros détail beige et bleu, à vitres sales et larmoyantes. J’y croisai mon reflet, déformé, et battis des paupières, ressentant la pénible impression de retomber dans la réalité comme une masse.
    
    C’était mon bus, dans un rugissement de moteur insupportable. Des personnes en sortirent, y entrèrent, il attendit, il repartit. Je le suivis des yeux un moment, fade éclair aux yeux rouges, qui disparut finalement dans la toile brumeuse que tissait la pluie.
    
    Je souris dans le vide.
    
    Je ne sais pas exactement comment, au terme d’une longue errance le long des murs de la ville, je butai soudain contre une volée de marches ...
    ... en pierres, familières. Levant les yeux, je reconnus immédiatement l’entrée de mon café habituel, pleine de lumière ; je fis une moue, me moquant de moi-même, hésitant à pousser la porte.
    
    Malko m’aperçut à travers la vitre, me fit un joyeux signe de bienvenue. Je finis par entrer. Ce n’était pas très grand, ce qui expliquait le continuel nuage de fumée opaque qui cernait chaque contour, à l’intérieur. Et il y avait toujours du monde — plus particulièrement le soir — ce qui ralentissait considérablement la progression des gens entre les tables.
    
    Mais j’aimais cet endroit… pour d’obscures raisons que je ne comprenais moi-même pas totalement ; et nul autre lieu que celui-là ne parvenait à apaiser mes douloureuses interrogations, quotidiennes, désenchantées.
    
    Je saluai Malko, la tête ailleurs ; je l’entendis à peine s’étonner de me voir ainsi trempée. Sa réflexion me ramena quand même sur terre, et je m’inspectai rapidement, de plus en plus gênée par mon apparence.
    
    — D’où tu viens ? me demanda alors mon ami, sincèrement curieux.
    
    Je haussai les épaules avec un demi-sourire.
    
    — Je ne sais pas trop… répondis-je doucement. J’ai marché. C’est ici que je devais atterrir apparemment…
    
    Malko ne dit rien, mais je sentis son regard préoccupé glisser sur moi, tandis que je me juchais lestement sur un des tabourets, au comptoir.
    
    Je croisai son regard et le fixai droit dans les yeux, envahie d’un pauvre sentiment, qu’on pourrait nommer défi ; et il détourna la tête.
    
    — Tu ...
«1234...7»