Adeline, Yannick et Patricia - Histoires de Sexe

Adeline, Yannick et Patricia

... d’occasions de lire.
— Écoutez, intervins-je, moi je viens d’une classe unique où j’avais six niveaux avec la grande section de maternelle. Et de fait, j’ai pu constater des différences importantes entre les élèves, et pas forcément liées à leur milieu social. Certains sont prêts avant d’autres pour la lecture. D’ailleurs, on parle maintenant de « cycle des apprentissages » pour laisser le temps au temps. Certains enfants apprennent à lire en grande section, d’autres seulement au CE1. Mais pour moi, ça n’a pas beaucoup d’importance car seul le résultat compte. On ne va tout de même pas faire redoubler le CP.
— C’est arrivé, intervint timidement ma rousse collègue…
— Comment faire en sorte que ça n’arrive plus ? questionnai-je.
— Comme vous disiez fort justement, laisser le temps au temps, poursuivit-elle.
— Bon, alors je vous propose l’organisation suivante : au lieu d’une classe de CP et une classe de CE1, faisons deux classes de CP-CE1, moitié-moitié, avec pour objectif : tout le monde sait lire en sortie de CE1.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? marmonne l’aîné.
— Moi ça me conviendrait plutôt bien, dit la rousse. Qu’en penses-tu, Daniel ?
— Euh… Faut voir, mais… Il y a longtemps que je n’ai pas fait de CP.
— Pensez-y, vous avez le week-end pour vous décider. Vous me téléphonez avant dimanche soir. D’ailleurs, je pense que le mélange des classes ne serait pas plus mal non plus pour les CM1-CM2.
— Oh ! Mais oui, pourquoi pas ? Jacques, tu en penses quoi ...

... ?
— Arrêtons les inepties ! Je suis LE maître de CM2, un point c’est tout. Et ce que je vois de clair dans ce projet, c’est que le seul à avoir une classe homogène, ce serait notre directeur, ajoute-t-il amèrement.
— Soyez honnête, Jacques, et la charge de direction, ça compte, non ? dit la rouquine.
— Mon cher, si vous voulez le CE2, pas de problème, échangeons, proposai-je. C’est une classe transitoire, tout le monde le sait, mais c’est là que s’ancrent solidement les connaissances de base.
— Certainement pas. Si j’avais eu cette direction comme il eut été logique, croyez bien que ces questions-là ne seraient pas soulevées aujourd’hui, dans l’improvisation, à deux jours de la rentrée des élèves.
— Cher Monsieur, croyez bien que ce n’est pas moi qui décide des nominations. Que vous ayez quelques ressentiments envers l’inspection académique, je le conçois, mais envers moi, reconnaissez que c’est très injuste. J’ajoute que nous ne sommes pas là pour nous ou notre carrière, mais pour faire ce qu’il y a de mieux pour que les enfants, TOUS les enfants réussissent. En tout cas, c’est mon seul objectif et je souhaite que nous le partagions. Nous sommes dans le même bateau, ramons ensemble.
— Et dans un bateau, il n’y a qu’un capitaine, ajouta sa collègue. Tu vois Jacques, moi aussi je voulais ce poste, mais je n’aurais jamais osé proposer ces changements, j’aurais manqué d’audace à cause de la proximité de la retraite, sans doute. À mon humble avis, ça vaut le coup d’essayer ...