Mahoko
Datte: 11/03/2024,
Catégories:
fh,
asie,
Collègues / Travail
amour,
rencontre,
amouroman,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
... mais par nécessité, Jérôme, par pure nécessité, pas sur les bancs de la fac. Sous le vernis, il n’y a pas grand-chose, croyez-moi.
— Vous avez une piètre opinion de vous-même, et c’est ça votre problème.
— Non, je n’ai pas de problème, je fais avec.
— Je vais vous dire une chose qui doit rester entre nous. Samedi, j’ai livré le cadeau d’anniversaire de l’épouse du patron de cette boîte, une décapotable rutilante. C’était son anniversaire et je me suis fendu d’un ensemble de voyage outrageusement cher. Résultat, nous avons laissé la poupée avec ses jouets et nous sommes allés à la pêche dans l’étang. Navrant. Pourquoi ? Parce que cette vendeuse de boulangerie a été complètement refaite : cheveux teints en roux, lentilles de contact vertes dans les yeux, poitrine siliconée, nez refait, menton, pommettes, cellulite aspirée. Une poupée Barbie. Mais il m’a dit : « hélas, je n’ai pas pu lui changer le processeur ». Elle restera toujours à ses yeux la petite vendeuse qu’il cache dans un palais construit en pleine cambrousse. C’est affligeant. Je ne veux pas vivre ça. Je veux aimer une femme telle qu’elle est, la respecter, l’admirer, construire avec elle une belle vie, simple et sans artifices. C’est cette femme-là que je vois en vous, et c’est la première fois que ça m’arrive… En voilà assez pour les confidences, mettons-nous au travail.
Le travail ne s’est guère fait attendre. Le téléphone a sonné, une communication du Japon. Je donne le combiné à Mahoko. C’est drôle de la ...
... voir répondre, d’abord en anglais, là, je comprends, puis en japonais et je ne suis plus. Elle se comporte au téléphone comme si elle était face-à-face avec son interlocuteur, respect, courbettes, sourire impénétrable. L’échange est assez long, je bouillonne, elle reste imperturbable et ça m’agace. Après une autre série de courbettes, enfin elle raccroche, toujours impassible.
— Alors ???
— Ils viennent le mois prochain, dans trois semaines exactement.
— Waouh ! Super ! Si je ne me retenais pas, je vous embrasserais.
— Mais faites…
Il ne faut pas me le dire deux fois. Je lui saute dessus, la serre dans mes bras et lui claque deux grosses bises appuyées sur les joues. Elle est rouge comme une écrevisse d’Édouard, cuite bien sûr.
— Je… je n’y suis pour rien…
— Mais si ! Bien évidemment, si ! Avant vous, le dossier a été rejeté. C’est à vous qu’on doit ce rendez-vous.
— Bon, mais rien n’est joué. Ils arrivent le lundi en milieu d’après-midi, il faut aller les chercher à Roissy.
— OK, pas de souci.
— Et ils repartent le lendemain pour leur filiale en France, gare du Nord vers dix-huit heures.
— D’accord. Donc, lundi, visite de l’entreprise et dîner à la française, mardi matin, visite d’une cave en Bourgogne, déjeuner, retour, signature du contrat, train.
— Peut-être…
— Comment ça peut-être ?
— Peut-être signature du contrat ou peut-être pas. Mais s’il y a signature du contrat, elle ne se fera pas en milieu d’après-midi, je vous l’assure. Ils vous inviteront à ...