1. Modèle de femme


    Datte: 30/01/2024, Catégories: fh, complexe, école, amour, cérébral, Voyeur / Exhib / Nudisme nonéro, portrait, rencontre, Auteur: Mlle Fanchette, Source: Revebebe

    ... en l’air pour refaire son chignon à la diable, le modèle vient prendre place sur le drap et le cours débute. Comme à l’ordinaire : poses courtes et on rallonge peu à peu.
    
    Mes premiers croquis sont bons à jeter, je suis un peu rouillée, c’est normal. La silhouette d’Olga a changé cet été, elle a encore maigri : ses côtes apparaissent sous les clavicules alors qu’on ne les voyait pas en juin. Après quelques poses, Jackie fait la remarque à voix haute, un peu inquiète. Ce n’est pas un reproche, c’est un simple constat, mais il est un peu mal pris. Je vois le modèle se tendre et se fermer, puis son expression s’adoucit, et l’air un peu triste, elle admet que plusieurs kilos ont mis les voiles.
    
    — Ma mère dit toujours qu’un sac vide ne tient pas debout, mais ça ne m’empêche pas de perdre du poids, avoue-t-elle en se mordillant la lèvre.
    
    C’est ça aussi le modèle vivant. La vie laisse sa marque et le dessinateur la repère. Généralement, personne ne dit rien, ça fait partie des choses qui ne se font pas, mais Jackie est de ces gens qui aiment à veiller sur les autres et à appeler un chat, un chat.
    
    Les poses se poursuivent sans heurt et s’allongent au gré des appels de Garance. Je n’arrive pas à grand-chose, ce soir. Quelque chose ne va pas pour Olga, le cœur n’y est pas et ce n’est pas juste sa perte de poids… elle en devient plus difficile à saisir.
    
    Je suis distraite par la voix de Garance qui s’est postée derrière une élève.
    
    — Roucoule pour regarder ton travail. ...
    ... Roucoule !
    
    Sans réfléchir, c’est plus fort que moi, je laisse échapper quelques roucoulements. Jamais personne n’avait osé le faire, mais là, c’est venu tout seul, et j’avoue que les rires que je provoque, notamment du côté d’Olga, empêchent toute velléité de repentir. La prof me regarde, surprise, mais pas fâchée. Alors, je lui explique. Sans déconner, ça fait plus de dix ans qu’elle enseigne avec son accent australien, mais personne ne lui a jamais expliqué la différence entre reculer et roucouler…
    
    Chacun reprend son sérieux dans la bonne humeur et le cours se poursuit. Olga est plus détendue, je réussis peu à peu à mieux la saisir. C’est drôle cette empathie qui existe entre le dessinateur et le modèle, bien au-delà des questions d’affinités. Pierre parle de symbiose ou d’alchimie et je pense qu’il n’a pas tort. Je l’ai souvent remarqué en dessinant : si je ne « sens » pas le modèle, je n’arrive à rien. Je pense qu’il faut avoir beaucoup de pratique et de technique pour s’en sortir, et ce n’est pas mon cas !
    
    En tant que modèle, j’ai fait le même constat : j’entends plus de soupirs en étant fatiguée que lorsque je pète le feu. Je l’ai vérifié même quand j’ai posé pour des Allemands qui ne parlaient pas un mot de français et que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam : trois matinées de poses, le jour où j’ai mal dormi, ils ont eu plus de difficultés.
    
    Olga change de pose et Garance lui tend un foulard pour jouer avec les drapés en rappelant le thème du cinéma. Elle ...
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