Un jour aux urgences - Histoires de Sexe

Un jour aux urgences

... la police, supplia-t-elle.
— Écoutez, tout laisse supposer que votre compagnon vous frappe.
— Non, je ne veux pas la police, il est gentil. Pas de sa faute, c’est de la mienne.
— Schéma classique, dit un interne, la victime se croit coupable.

Une secrétaire venue chercher des documents pour l’admission de « l’homme à l’obus » s’écria :Mais, je les connais !

— Comment ça, vous connaissez qui ?
— Ben lui, dit-elle en désignant le mordu, et elle, redit-elle en montrant la brûlée. Ce sont mes voisins, Gaspard et Noëlle, toujours à se faire des papouilles et des bisous.
— Pourtant on ne dirait pas, ça ressemble à une dispute conjugale qui a mal tourné. Maintenant, il va falloir qu’ils s’expliquent, sinon on appelle les flics.

Le mordu remua dans son brancard.

— Ne dit rien mon amour, on va passer pour des gens bizarres.
— Soyez sans crainte, des zarbi on en voit passer par centaines.

Avec des sanglots dans la voix, Noëlle entreprit son récit.

— Nous voulions faire des crêpes, mais en les pimentant un peu. J’avais fait la pâte et Gaspard voulait les faire sauter lui-même. À chaque fois qu’il réussissait, on enlevait un vêtement, l’idée étant de terminer nu et en mettant autant de chocolat ou de miel sur les crêpes que sur notre corps.

Les sourires coquins de tout l’auditoire en disaient long sur l’état d’esprit qui régnait dans la salle des urgences. Ça donnait même des idées à certains.

— C’est quand j’ai voulu ...

... corser le jeu en lui faisant une gâterie que ça a dégénéré. Je lui avais trempé le sexe dans le pot de miel, je le suçais, peut-être trop bien, toujours est-il qu’il en a perdu toute sa coordination. Faut préciser que nous avions ingéré autant de Cognac que nous en avions mis dans la pâte.
— C’est ma faute, quand elle m’a tripoté les testicules et chatouillé l’anus en faisant tournoyer sa langue sur mon gland, je faisais sauter une crêpe et j’ai raté mon coup.
— La crêpe bouillante m’est tombée sur l’épaule, j’ai eu très très mal, et par réflexe, je l’ai mordu et je ne pouvais pas desserrer les dents.
— Pour la faire cesser de mordre, je lui ai flanqué de grands coups de crêpière sur la tête. C’est comme ça que je lui ai cassé le nez et ouvert le cuir chevelu.

Beaucoup imaginaient la scène et se retenaient de rire.

— Mais pourquoi être arrivés séparément et nous faire croire que vous ne vous connaissiez pas ?
— On ne voulait pas passer pour des cons !

*

**

Annabelle mettait à jour ses notes en vue du rapport qu’elle allait faire au Premier ministre. Elle disait aussi au revoir à ses hôtes d’un jour, des gens sympathiques mais épuisés. Des gens avec qui, en une seule journée, elle avait tissé des liens d’amitié. Des gens qui, à force d’heures supplémentaires et de journées à rallonges, n’en pouvaient plus.

C’est ce qu’elle dirait au Premier ministre. Elle y ajoutait des annotations qui ne sortiront jamais du bureau.