1. La Vie de Solange, ou les mémoires de la Comtesse de *** (1)


    Datte: 24/06/2019, Catégories: Hétéro Auteur: Mir, Source: Xstory

    Je ne sais pourquoi je commence ce récit. Peut-être la vanité brillante de mon siècle me gagne-t-elle et veux-je ajouter au fatras de mots creux produits par mes contemporains les miens ? Ce siècle que l’on dit de Lumières, où pourtant jamais lumière n’a produit ombre plus obscure, siècle de connaissances où l’obscurité a continué d’engloutir les femmes comme moi et à leur refuser leur part du Progrès tant chanté par nos philosophes.
    
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    Elevée par une mère instruite et un père indifférent, dans la richesse d’une petite aristocratie, tout me destinait à la liberté et la connaissance. Dès mon plus jeune âge, je fus fascinée par nos philosophes, leurs idées, leur goût pour les arts et techniques, par l’ingénierie naissante promettant à notre peuple une industrie prospère source de bonheur. Alors que mon corsage n’était encore bien rempli, je lisais en cachette les ouvrages techniques du cabinet de mon père, consultais les écrits de Newton traduits par madame du Châtelet (sans bien comprendre, il est vrai) et m’intéressais fort aux ouvrages d’anatomie cachés derrière les fastidieux commentaires religieux d’obscurs prédicateurs.
    
    Hélas, je compris vite que mon statut de fille entravait mon goût de connaissance : le dos me cuit encore des coups que je reçus pour avoir été surprise consultant les planches illustrées de l’anatomie masculine. Cet épisode m’apprit qu’il me fallait de la prudence dans mon éducation : ma mère, ...
    ... quoique manifestement désireuse de me voir instruite, ne soutenait pas mes ambitions devant mon père. Ce dernier ne s’intéressait qu’à mon frère aîné mais savait me faire sentir sa colère lorsqu’une imprudence ou impertinence dépassait la mesure.
    
    J’en appelai alors à mon cousin Armand. Mon aîné de quelques années, vivant surtout à Paris mais venant régulièrement dans notre domaine campagnard, il m’avait prise en affection, telle une jeune sœur turbulente, affection que je lui rendais bien. Ma gouvernante se débarrassait volontiers de moi auprès de lui lors de ces séjours avec nous. Il rirait bien de mes sottises et me conseillait raisonnablement, m’envoyait régulièrement ouvrages et journaux en secret, me faisant rêver de Paris, cette ville que l’on disait Lumineuse.
    
    Mon cousin donc… Cousin éloigné en fait, fils d’un cousin de ma mère. Mais il était pour moi un frère.
    
    Lorsque la douloureuse punition de ma curiosité anatomique fut oubliée et mon corsage bien rempli par une gorge florissante, je commençai à m’inquiéter de mon avenir. J’étais fille, et le futur de toute fille était le mariage. Fort heureusement, mon père semblait avoir quelques difficultés à trouver un prétendant convenable. Cela me rassurait, peut-être finirait-on à la longue par oublier de me donner un mari et me laisserait-on en paix…
    
    Ma mère avait fait courir le bruit que les médecins avaient décrété ma santé fragile et qu’il fallait retarder le mariage et les grossesses qui s’ensuivraient, qui ...
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