Le Beau Linge - Histoires de Sexe

Le Beau Linge

1 - Clotilde

Très jeune, Aurélien avait lu "Les Trois Mousquetaires". Il n’avait pas voulu lire ensuite "Vingt Ans Après", estimant qu’ils ne pouvaient plus être intéressants, les mousquetaires devenus vieux. Quelle sottise ! pense-t-il maintenant. On n’est quand même pas vieux à trente-huit ans.

À dix-sept heures, il quitte son bureau pour aller rue Dupin. Tout est de haute qualité en vitrine. Il entre. Un gros chat gris vient se frotter à ses jambes.

— Il voit que vous aimez les bêtes.
— J’aime aussi les jolies femmes.
— Aurélien ! Je ne t’avais pas reconnu, en contre-jour. Tu n’as pas beaucoup changé, pourtant.
— Toi, tu es encore plus belle qu’il y a vingt ans.

Quelques banalités, quelques plaisanteries aussi, ont tôt fait de dissiper la légère gêne inévitable.

— J’avais appris ta nomination dans ton journal, et vu ta photo. Je suis contente de te revoir. J’espérais bien que tu viendrais, même si ce n’est que pour payer ta cotisation d’ancien élève du lycée, et t’inscrire pour le banquet.
— C’est surtout parce que j’ai lu que la trésorière de l’association se prénommait Clotilde. Clotilde Dupin. Ton mari n’est pas ici ?
— Pas pour le moment.
— On s’embrasse ?
— Pourquoi pas ?

Les lèvres délaissent très vite les joues pour la bouche. Elles sont plus expertes, les langues plus agiles. Les fesses sont aussi fermes, les seins plus lourds. Pour éprouver la sensibilité des tétons, Aurélien est gêné par la présence d’un soutien-gorge. Elle n’en portait ...

... pas, en ce temps-là.

— Aurélien, Aurélien, que je suis contente !
— Moi aussi, Clotilde. Tu ne peux pas fermer le magasin ?
— J’attends un client d’un instant à l’autre. Si tu as le temps, entre dans cette remise, il y a de quoi s’asseoir et lire.

L’Illustration. Voyages de ministres. Guerre. Communiqués de victoires. "Nos troupes ont infligé à l’ennemi des pertes très sévères".

Le client est arrivé.

— Chère petite madame, quelle chance que votre mari soit absent…

Gentiment, elle répond que les vases demandés sont à sa disposition.

— Et ces délicieux bols, n’auraient-ils pas été moulés sur vos seins, jolie madame ?
— Oh ! Monsieur, ils sont du dix-huitième siècle !
— Sot que je suis ! Et quel mufle ! Comment me faire pardonner ? Accepteriez-vous de dîner avec moi, un soir ?
— Hélas, monsieur, c’est complètement impossible. Mon mari… Les vases sont affichés quatre mille euros, je vous les laisse à trois mille cinq.

Il n’insiste pas. Après son départ, Clotilde rejoint Aurélien.

— Tu ne t’es pas ennuyé ?
— Tous tes clients te draguent, comme lui ?
— C’est le Procureur de la République. J’ai fermé derrière lui. L’appartement est au-dessus. Tu veux faire la connaissance de mon mari ?
— Pourquoi pas, mais j’aurais préféré…
— Qu’il ne soit pas là ? Je plaisantais. Il n’y est pas, il est à l’autre bout de la France, pour des achats, et pour trois jours.

Elle a pris Aurélien par la main, l’a conduit vers une porte ouvrant sur un escalier. Le salon ...