Rencontre
Datte: 13/06/2019,
Catégories:
nonéro,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... lui était donc pas si étrangère que cela, et sa bonhomie pas si désagréable, ce qui n’était déjà pas si mal !
Mais quelle stratégie adopter, pour « devenir » Pierre Richard ? Il eut une inspiration soudaine, une sorte d’éclair de lucidité presque inhabituel : pourquoi ne pas essayer de se mettre dans la peau du comédien exactement comme celui-ci se glissait dans celle de ses personnages ? Il n’avait qu’à jouer le rôle d’un acteur en train d’interpréter un comptable, et tout irait pour le mieux !
Pas si bête ! Sa vie, finalement, n’était pas si éloignée que ça de celle de « François Perrin » dans « La Chèvre » ! Si Pichon arrivait à s’identifier au personnage de Perrin - que personne ici ne connaissait – il serait certainement en mesure de vivre à nouveau sa vie de comptable anonyme sans plus se poser de questions ! Quelle manière ironique de boucler la boucle…
Aussi brutalement qu’il lui était venu, ce bel enthousiasme reflua. Non, ça ne pouvait pas marcher ; s’il se contentait de « jouer » le rôle, il ne serait jamais tout à fait lui-même. On ne peut être à la fois celui qui fait et celui qui regarde faire. Ah, l’horreur des prismes en quinconce, reproduisant à l’infini la même image !
Pichon, pour conserver sa santé mentale, devait donc trouver un moyen de basculer derrière le miroir. Mais comment faire, pour réellement « devenir quelqu’un d’autre » au point d’en oublier qui on était avant ?
Durant une bonne partie de l’après-midi, il arpenta son ...
... appartement exigu en tout sens, sans que pour autant la solution de cet épineux problème ne daignât pointer le bout de son nez… Dépité, excédé, il décida au final qu’il avait besoin de plus d’espace pour ses pas, afin d’approcher la solution. Pichon revêtit sa fidèle gabardine, prit son parapluie et s’exila pour un temps vers le dehors venté de ce froid lundi de mars…
Il ne rencontra personne dans l’escalier. À part Félix Berthier, les résidents de l’immeuble avaient tous des occupations diurnes plutôt classiques. À cette heure-ci, le seul qu’il aurait pu croiser, c’était son voisin du second. Eût-il encore fallu qu’il se risqua au dehors de son logis ! Ce colocataire énigmatique vivait en reclus depuis toujours, ne sortant de chez lui qu’à la fin du jour, comme un rapace nocturne.
Pichon se rappelait avec acuité de sa première - et dernière - rencontre avec le quasi-ermite. C’était un vendredi soir, à une heure assez avancée, alors qu’il rentrait de son incontournable poker hebdomadaire. Il achevait l’ascension du large escalier de bois dans un concert de couinements quand l’éclairage s’était coupé. Après de longs instants à tâtonner dans la pénombre, il avait fini par trouver l’interrupteur de la minuterie. À cet instant précis, il avait discerné les contours d’une masse sombre et menaçante qui s’approchait dans un silence surnaturel. Poussant un hurlement d’effroi, Pichon avait réenclenché la lumière de son index survolté…
Il avait alors pu distinguer le responsable de sa ...