Le dernier des Grizziera
Datte: 20/05/2019,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... Léane est rentrée chez elle, elle t’appellera bientôt.
— C’est bien, grand-père, c’est bien.
Hector et Victor encadraient son petit-fils quand Louis s’arrêta un moment, savourant les eaux scintillantes dans le soleil de fin de journée. Il avait le souffle court, la journée avait été longue. Tout ce temps, ils étaient restés derrière lui, assis sur un banc de la promenade. Et plusieurs fois, des larmes avaient coulé le long de ses joues tandis qu’il regardait son petit-fils assis dans le sable comme lorsqu’il était enfant. Rien n’avait changé, mais nul à son âge ne devrait subir le sort de veiller ses descendants. Il ne mourrait pas en paix, mais il ferait tout pour qu’en apparence Gabriel la trouve, lui.
Quand ils furent rentrés, Louis demanda aux deux infirmiers qu’il employait depuis des années de veiller particulièrement à ce que Gabriel ne ressorte plus durant les prochains mois. Il allait connaître une phase de régression, comme après chaque sortie depuis qu’on avait repêché les cadavres de ses deux parents au large des côtes de Calvi.
Ça faisait si longtemps maintenant, et le malheur de Gabriel avait emporté le sien, celui qui se nourrissait de la perte du fils unique. Alors, il avait fermé l’hôtel, connaissant l’attachement de son petit-fils à ces lieux chargés de leur histoire. Il n’irait pas dans un hôpital, si luxueux soit-il. Il resterait là, auprès des siens.
Mais très vite, il avait fallu faire le vide autour de lui, il se blessait avec des objets, ...
... développait de nouvelles phobies, jusqu’à refuser de s’alimenter pendant plusieurs jours, craignant la présence trop affective des quelques proches. Il évitait leur contact, leur chaleur, leur odeur. Les murs le gênaient, il se cognait dedans. À faire gicler ses arcades sourcilières. À se démettre les épaules.
Sa grand-mère était morte à cette époque d’aggravation, reprochant à Louis, jusqu’à son dernier souffle, de ne pas l’avoir fait soigner plus sérieusement.
— C’est le dernier d’entre nous, avait-il répondu une fois de plus. Je saurai quoi faire.
Mais jamais il n’avait su. Ses infirmiers le saturaient de tranquillisants, limitant les doses quand son état s’améliorait légèrement, et temporairement. C’était à ce moment que les choses devenaient dangereuses.
Gabriel sortait, toujours en quête d’un enterrement, comme lors de cette escapade dix ans auparavant à Clermont-Ferrand. Ça avait duré longtemps, presque deux mois. Un moment même, il l’avait cru guéri de ce mal étrange. Mais à parler de cette Léane qui n’existait pas, Louis avait vite compris que ce n’était qu’une fuite en avant, une de plus, mais une sérieuse.
Depuis, les sorties s’étaient faites plus rares, se réduisant notamment dans leur durée. Au mieux, ça tenait une demi-journée, et ça n’allait plus bien loin. Ce qui en soi n’était pas une très bonne nouvelle.
Hector et Victor jouaient le rôle du personnel de maison sous les ordres de Victoire, fidèle d’entre les fidèles. Hector et Victor jouaient ...