1. Ainsi qu'en un bois noir


    Datte: 01/04/2019, Catégories: fh, Collègues / Travail amour, Auteur: Igitur, Source: Revebebe

    ... complètement comme elle le fit entre les bras d’Armand. Même son mari, elle ne l’avait jamais envahi comme elle le fit avec Armand, sans retenue, s’enivrant du goût de sa peau, de ses parfums, apprenant chaque courbe, chaque méplat de son corps du bout des doigts, des lèvres, de la langue ou avec la surface de sa joue. Ils se découvrirent, puis ils usèrent de tout ce qu’ils avaient découvert pour approfondir le plaisir, un plaisir unique, indivisible, partagé sans limite.
    
    Ce jour-là tout le monde pensa que Catherine comme Armand n’étaient pas venus travailler, victimes sans doute de la grippe qui sévissait. Après deux jours d’absence, le service du personnel téléphona chez l’une et l’autre. Personne n’avait d’informations. Les familles étaient inquiètes. La police avait été prévenue. « Vous savez, dirent les enquêteurs, chaque année il y a des milliers de gens qui disparaissent ainsi, volontairement, et qui ne souhaitent pas être retrouvés. On n’y peut rien, ce sont des adultes. »
    
    La fouille des archives ne révéla aucun indice. Peut-être une empreinte de corps dans le vieux canapé, mais rien de significatif. On ne sut jamais ce qu’ils étaient devenus. ...
    ... Certains doutèrent qu’ils eussent fugué ensemble. Leur disparition devint une légende de l’entreprise. Pour les uns, c’était une escapade romantique et ils reparaîtraient une fois la passion consommée ; d’autres inventaient des histoires extravagantes d’espionnage ou d’enlèvement par la concurrence ou par des forces occultes.
    
    Les archives furent entièrement rénovées ; un jeune archiviste réforma l’informatisation des fonds, et le vieux canapé termina au marché aux puces. Les enquêtes furent poursuivies encore quelques mois, mais les détectives privés les plus chevronnés restèrent bredouilles : pas le moindre indice, pas le plus petit soupçon de piste. Personne ne sut jamais rien de la vérité, ni ne les revit jamais. C’était il y a presque vingt ans.
    
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    Il me semblait important que cette histoire fût connue, car après tant d’années notre amour dure toujours, pas loin, à quelques rues de là. Dans notre petit salon, le canapé que nous avons racheté est toujours là, bien usé, mais lui aussi a la vie dure. Pourquoi personne ne nous a jamais retrouvés ? Mystère de l’amour ; isolés dans l’amour ainsi qu’en un bois noir, a écrit Paul Verlaine. Est-ce cela ? 
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