Galatée
Datte: 18/11/2018,
Catégories:
fh,
hplusag,
inconnu,
telnet,
amour,
volupté,
nopéné,
fantastiqu,
Auteur: Nono, Source: Revebebe
... le marbre. Puis, plus rien ! Le vide. Son cœur devenu sec, ses mains se sont trouvées sans âme. Comme pour le narguer, l’énorme tronc de chêne, qu’il avait fait rentrer à grands frais, encombre l’atelier depuis ce jour où elle lui a dit que c’était fini.
Cette grume restée vierge, c’eût été son œuvre majeure, alors cette rupture, il l’avait sentie dans ses mains, douloureusement, pendant des semaines. Les outils le brûlaient ou le glaçaient, il avait fini par les remiser.
Et voilà qu’aujourd’hui, il sent que ses phalanges le démangent. Ses doigts sont électriques, ébauchent dix dessins par jour.
L’idée folle lui prend de consacrer la bille de bois à Galatée.
Une trahison ? Non, bien sur que non, il aimera Christine à jamais, rien ne viendra changer cela. Le sentiment qu’il ressent pour cette inconnue est autre, et de toute façon, trop de choses les séparent… Cette connivence, d’autant plus forte qu’elle restera épistolaire, est le ciment d’un amour pur et platonique donc, pour lui, idéal.
C’est pour cela qu’il va magnifier Galatée, pour faire prendre forme à la beauté absolue dans les veines de ce bois, et au travers de cette œuvre, sublimer la femme. Qui mieux que Galatée la lointaine pourrait personnifier cet amour parfait dont il a souvent rêvé ?
La frénésie de l’artiste le reprend mais sa conscience lui fait violence. N’as-tu pas déjà assez souffert ? lui dit-elle.
Deux nuits déjà, qu’il dort mal. Il refait dans sa tête les gestes qu’il n’a pas ...
... oubliés. Il transpire dans ses draps, il doute. Doit-il céder ? Est-il encore capable de faire aussi bien ?
Le troisième jour, il ne tient plus. Cinq heures du matin, il se lève, ressort les outils, aligne gouges, bédanes, racloirs comme le ferait un chirurgien de ses scalpels, débarrasse une à une les lames de la pellicule huilée qui les recouvre. Il n’a plus de doute. Il est déjà imprégné de l’œuvre. Il s’impatiente, se voit déjà « retouchant le dessin de la ligne d’un sein, du galbe d’une hanche ».
— Espèce d’idiot, au lieu de penser à Aznavour et de t’occuper déjà des détails, tu ferais mieux de dégrossir ta pièce de bois.
Il sait qu’il a raison, et pose ses outils fins au profit de l’herminette. Mais, il hésite encore.
Allez, tant pis, au diable les voisins !
La tronçonneuse vrombit dans le silence de ce matin de mars. Il a toutes les lignes en tête, alors il doit aller vite. Le père Matthieu, qui lui a tout appris, n’était pas enthousiasmé par cette technique, mais il a fini par reconnaître que le gros œuvre n’a pas besoin de temps, au contraire.
Quant aux voisins, de toute façon, ils l’appellent l’ermite ou avec dédain, l’artiste, ils le croient fou, alors un peu plus, un peu moins…
* * *
Il fait grand jour quand il pose l’engin. Ça sent l’essence, mais aussi le bois, la sueur, il revit. Deux heures, peut-être trois, à trancher dans la masse, comme un furieux. Les formes sont encore grossières, mais il l’a ! Le mouvement, il l’a !
Galatée sortant ...