Elle
Datte: 19/04/2023,
Catégories:
fh,
couple,
Collègues / Travail
amour,
rencontre,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
... l’impossible, ou aller voir ailleurs.
— J’y pensais déjà, me sentant bien esseulé. Mais si vous en êtes, je préfère retrousser les manches.
— Bien. Chez moi ce soir vers vingt heures, OK ?
— OK, mais… c’est où chez vous ?
— Ah oui, pardon. Tenez, me dit-elle en me tendant une carte de visite perso, tirée de la poche de son tailleur.
Me voici à vingt heures sonnant au porche d’un immeuble huppé de la capitale. La gâche se déclenche et j’entre dans un hall où il me faut repérer les boîtes aux lettres pour connaître l’étage. Pas difficile, c’est le dernier. Ascenseur, couloir au tapis épais, porte double, sonnette. C’est une autre femme qui m’ouvre, plus petite, pieds nus, longs cheveux tombant jusqu’à la taille, qui m’ouvre.
— Ponctuel, j’aime ça.
Elle est en peignoir, mais malgré ce prodigieux changement, elle reste altière et élégante.
— Pardonnez-moi, j’aurais certainement dû vous inviter dans un restaurant du quartier, mais j’ai tellement besoin le soir de me dépouiller de ma carapace de travail, de prendre une douche et de me mettre à l’aise, que j’ai opté pour la maison, même si ce n’est pas très professionnel.
— Mais je vous en prie, ça ne me pose pas de souci. De mon côté, j’ai pensé à vous apporter des fleurs, mais je me suis dit que c’était avant tout un rendez-vous de travail…
— Vous avez bien fait, j’ai horreur des fleurs. Entendons-nous, de ces fleurs imbéciles poussées sous des serres à l’engrais, coupées à l’autre bout du monde pour ne durer ...
... que quarante-huit heures. Pas des marguerites et des coquelicots qui ornent les champs. Apéritif ?
— Whisky, si vous avez.
— Une pleine armoire, c’était le péché mignon de mon grand-père. Je vous explique. Je suis ici dans l’appartement de mes grands-parents, qui m’ont élevée, on peut le dire, et m’ont tout laissé. Je n’aurais évidemment pas pu m’offrir cet appartement toute seule. J’ai déjà du mal à n’en payer que les charges… Mes parents travaillaient tous deux à Air-France, donc aux abonnés absents. Et mon grand-père a fait fortune dans… le bouton pression. Ne riez pas. C’est l’ancêtre de lastart-up. Une bonne idée, une hypothèque jusqu’au dernier centime, et la seule usine en France à fabriquer des boutons-pression, c’était lui. Et c’est lui qui a fait construire cet immeuble, qui lui appartenait de la cave au grenier. Pour garder cet appartement et les chambres de bonnes au-dessus, j’ai dû vendre les autres appartements en dessous. Mais je m’y sens bien, j’y ai passé toute mon enfance. J’ai gardé tous les meubles, sauf la cuisine que j’ai refaite, plus fonctionnelle.
— C’est bien, très, très bien. Moi je n’ai pas cette chance… Remarquez, j’en ai une autre : j’hériterai peut-être un jour d’une ferme en Poitou.
— Oh ! Quelle merveille. Ici, c’est bien ce qui me manque, un peu de campagne, de bon air et de bons produits qui ne soient pas hors de prix. On va manger à la fortune du pot, ce que j’ai en réserve.
— Rassurez-vous, je ne suis pas venu faire ripaille et je me ...