La fiancée des pirates - Histoires de Sexe

La fiancée des pirates

... trois échanges de balles à blanc plus tard, Calamity Jane était adoptée, et officiellement décrétée première nana jamais admise dans leur club si select qu’il ne comptait que deux membres masculins, et encore ajouta Thomas, je suis gentil, parce que celui de Gilles est microscopique.

Ce fut le départ d’un nouveau dialogue absurde, mettant en scène une rivalité factice pleine de fausses-trappes pour se réserver le privilège de me draguer seul, et effrontément.

— Tom, plutôt que de débiter des mensonges, t’irais pas plutôt vérifier si t’as bien mis le ticket sous le pare-brise ? Les flics passent sans arrêt dans le coin. On n’est jamais garés qu’à un kilomètre à tout casser…
— Tu vois Clara, c’est tout Gilles, ça. Toujours inquiet pour un rien, contrairement à moi. Mais c’est le secret de notre amitié, le respect de nos différences. Ça ne m’a par exemple jamais gêné qu’il soit homosexuel.
— Et vous faites quoi exactement ici, les gars, à part glander et déconner ?
— On se le demandait justement avant que tu n’arrives. On a horreur des boîtes, un peu comme toi, si j’ai bien compris. Si ça se trouve, on t’attendait.

Trois minutes plus tard, je me retrouvai à nouveau sur ledance floor, me tortillant pour atteindre Muriel et la prévenir de mon départ, en lui hurlant à l’oreille pour percer le vacarme syncopé destiné à mettre la foule en transe.

— T’AS TROUVÉ UN SOUPIRANT ?
— DEUX !
— T’ES SÛRE DE CE QUE TU FAIS, C’EST QUEL GENRE DE MECS ?
— CHARMANTS. BEAUX ...

... GOSSES. MARRANTS.
— BON, SI TU LE DIS… J’AURAIS JAMAIS CRU QUE TU TE PRÊTERAIS AU PLAN À TROIS !
— T’ES FOLLE ? ON N’EN EST PAS LÀ, NON PLUS. ON VA BOIRE UN VERRE AILLEURS, C’EST TOUT.

Le pot, on le prit sur une terrasse en ville, et il confirma le coup de foudre amical qui nous avait réunis.

On était de la même génération. J’avais vingt-deux ans, ils en avaient tous deux vingt-quatre. Gilles était un très beau garçon aux cheveux clairs, il aimait visiblement séduire, mais sans prétention. Derrière sa façade de play-boy un peu sarcastique, je ne tardai pas à découvrir un cœur d’or, une générosité sans limites, et une sensibilité rare. Lui qui aurait pu emballer bien des poupées et des hôtesses de l’air – il venait de décrocher son brevet de pilote de ligne – n’avait pas d’amoureuse attitrée. S’il tournait la tête dès que passait une biche, il était d’une exigence bien plus crasse encore sur la capacité de la beauté de passage à toucher son cœur, son intellect et son âme. À force de chercher l’émouvante perfection, il avait surtout accumulé les déboires, tombant sur des filles bien moins généreuses que lui, et s’il n’en était pas amer, il commençait à s’en inquiéter.

Le charme de Thomas agissait autrement. Contrairement à Gilles, il ne cherchait pas à séduire délibérément. Son humour ravageur n’était jamais blessant, il l’exerçait volontiers à ses propres dépens. Sa présence était bienveillante, elle vous enveloppait lentement d’un douillet sentiment de confiance et de ...