Le Piège - Histoires de Sexe

Le Piège

Selon la formule consacrée, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite. Ce qui ne signifie pas que des situations semblables n’existent pas ou n’ont pu exister aussi incongru que cela puisse paraître.

J’avais fait la connaissance d’Émilie quelques jours plus tôt. Nous étions là, assis face à face dans ce restaurant, un peu mal à l’aise, elle un tantinet maladroite et moi trop bavard, pour masquer nos émotions. C’est souvent ainsi lors d’une première rencontre. Je regardais cette jeune femme très belle, cette rousse aux yeux verts, aux pommettes saillantes, à la taille élancée. Quel âge pouvait-elle avoir ? Vingt-cinq ans ? Trente ans ? Enfin guère davantage.

À la fin du repas, elle a posé une main à plat sur la table et l’a avancée dans ma direction. Pourquoi faut-il que ce soit toujours les femmes qui avec moi fassent le premier pas ? J’ai recouvert cette main avec la mienne.

Nous avons échangé un premier baiser dans le taxi qui nous conduisait chez moi.

La suite est simple, nous nous sommes déshabillés et nous avons fait l’amour. J’ai aimé et j’ai été émerveillé tout de suite par son impudeur, sa façon de se livrer, de jouir. Il y a des femmes qui font l’amour comme des adolescentes et ça toute leur vie et d’autres qui sont immédiatement de véritables femmes, qui prennent des initiatives, qui sont inventives, qui hurlent leur plaisir. Émilie était de cette seconde espèce.

Au matin tandis qu’elle se rhabillait, ...

... je lui lançai :

— On va se revoir ?
— Tu sais, je ne crois pas. Ça a été très bon et je ne regrette rien, mais je ne te l’ai pas dit, je suis mariée.

Ce fut comme un coup de tonnerre. J’avais devant moi cette jeune femme à moitié nue avec qui je venais de faire l’amour, qui avait dormi dans mes bras toute une nuit, et qui m’assénait un coup violent en pleine poitrine. Elle était mariée !

— Pourquoi tu ne me l’as pas dit hier au soir ?
— J’avais envie de toi, et tu te serais peut-être dérobé. Et puis c’était tellement bien ensuite que je n’ai rien voulu gâcher. Maintenant il vaut mieux tout arrêter avant que l’un de nous deux tombe amoureux de l’autre. J’ai un mari charmant, qui m’aime à la folie, avec qui je suis bien et à qui je ne veux pas faire de peine. Je vais le retrouver ce soir. Notre nuit restera simplement un bon souvenir. Celui d’une parenthèse délicieuse, mais qui doit rester une parenthèse.

En disant ça, elle avait fini de boutonner son chemisier et se préparait à enfiler son collant. Elle poursuivit :

— Jacques a cinquante ans, presque vingt ans de plus que moi. Je lui suis redevable et je l’aime.
— Tu l’aimes, mais tu le trompes à la première occasion…
— Je ne le trompe pas, je lui suis infidèle. Tu saisis la nuance ?

Je ne saisissais pas clairement. Ce n’est que bien plus tard que j’ai pu comprendre le sens de la phrase.

Émilie partie, je restais seul chez moi, sans aucune envie d’aucune sorte. Je suis resté couché jusqu’à tard dans la ...