1. L'âme foutative


    Datte: 21/08/2018, Catégories: fh, collection, Humour Auteur: Samuel, Source: Revebebe

    C’est vrai que depuis ce matin, je me sens l’âme foutative, comme disait Apollinaire. Déjà le réveil fut cruel au point que l’érection matutinale déchira brutalement les draps de soie (soit, la soie en soi est fragile, ça va de soi, mais qu’elle soit soie si fragile me déçoit). J’allume machinalement la radio et j’entends que Charlène de Monaco est bien enceinte. Mon sang ne fait qu’un tour et mon sperme se répand avec grâce sur le tapis persan (tant pis il est aussi percé que persan). Je prends mon petit déjeuner et le simple fait de tremper ma baguette dans le café au lait me trouble d’autant plus que j’entends la voisine du dessus uriner en sifflant un air de Carmen. En fait, elle sait que l’on entend tout dans ces appartements aux murs épais comme des mannequins anorexiques, alors elle siffle un air d’opéra pour qu’on n’entende pas sa miction généreuse clapoter dans la cuvette. Seulement moi, en mélomane consciencieux, j’ai bien vite remarqué qu’il y avait un fond musical auquel le compositeur n’avait pas songé. Aussi, par réflexe pavlovien, aujourd’hui le simple fredonnement d’une ariette me laisse systématiquement avec la vision d’un déluge urinaire.
    
    Je prends alors mon journal que le facteur a glissé malicieusement dans la fente et j’apprends que Jamie Bell et Evan Rachel Wood ont rompu ! Je ne sais pas du tout qui sont ces gens-là, je ne comprends même pas qui est l’homme et qui est la femme dans ce couple (Jamie ? Evan Rachel ?), mais il me faut immédiatement ...
    ... son adresse. Au moment d’une rupture, je sais les mots que l’épouse délaissée ou délaisseuse veut entendre. Le problème, c’est que, vu leurs patronymes, il faudra nécessairement lui parler en anglais. Ça se complique. Non pas que je ne suis pas capable de converser british, mais les nuances subtiles de mon french vont me manquer. Je laisse tomber.
    
    Une fois dans la rue, je croise une demoiselle en jupe fendue sur le côté et en corsage d’un blanc transparent et transpirant. Je l’aborde en me disant que ce soir je la borde. Un toupet, un culot !
    
    — Mademoiselle, vous avez remarqué que je vous ai remarquée ?
    — Écoutez mon ami. Je sors de chez mon amant. Son foutre est encore fiché dans mes orifices et je n’aime pas les mélanges.
    — Oh, au moins, racontez-moi !
    — Je n’ai pas dormi de la nuit et j’ai besoin d’une bonne douche avant de dormir douze heures d’affilée.
    — Mais j’ai justement une douche ! Voyez comme le hasard ne se hasarde pas par hasard. Et d’ailleurs, en y réfléchissant, j’ai aussi un lit qui pourrait parfaitement vous convenir, puisque nous avons la même taille. Attention, draps en soie et oreillers en plumes d’oie !
    — J’hésite tant c’est tentant. Mais qu’allez-vous faire pendant tout ce temps ?
    — Je vais courir les bouquinistes pour trouver la fin de l’histoire de la Belle au bois dormant.
    — J’accepte, parce que si je rentre chez moi, ça va me prendre encore une heure de métro. Je suis déjà à la recherche du temps perdu.
    — Vous en trouverez l’intégralité ...
«1234...»