1. Le ridodo


    Datte: 18/07/2018, Catégories: fh, hplusag, vacances, amour, cérébral, noculotte, Oral coupfoudr, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    J’ai soixante ans !
    
    Aujourd’hui, 2 octobre 2016
    
    Et il pleut !
    
    Il fait beau très souvent en Bretagne.
    
    Jusqu’à sept ou huit fois dans la même journée.
    
    Il semble que ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Il a plu toute la matinée, sans discontinuer et cet après-midi, depuis une heure que je roule, il pleut toujours. Il tombe même des trombes d’eau.
    
    Je roule sur des routes étroites et sinueuses, enfermées dans leurs murets de pierre, je passe de bosquets clairsemés en pâturages clos, de bosquets en bocages enclavés. Je roule plein ouest, vers la mer. J’ai envie de voir la mer. J’aime l’océan quand il agité, déchaîné, quand les rouleaux se fracassent sur les grès roses, quand le vent vous projette au visage de minuscules goulettes glacées qui vous piquent, des papillons d’écumes qui s’accrochent dans vos cheveux ébouriffés.
    
    Je roule doucement.
    
    Je ne suis pas pressé. Je n’ai pas de but réel, pas de destination précise.
    
    J’erre, je vagabonde, peu importe quand j’atteindrai Spleen-sur-Plage, Errance-en-Mélancolie ou Nostalgie-sur-Flânerie.
    
    Je ne suis pas triste, encore moins dépressif. J’aurais de quoi l’être sans doute, mais peu importe… Je suis juste un peu mélancolique, nostalgique.
    
    L’impression de flotter entre deux eaux. Mais attention, pas les eaux boueuses d’un canal sinistre, non, plutôt dans celles, chaudes et turquoise, d’un lagon paradisiaque.
    
    Je suis bien.
    
    Mais j’ai soixante balais !
    
    Merde !
    
    Hier matin, allez savoir pourquoi, j’ai ...
    ... dit stop, j’ai éteint mon ordi, décidé de marquer une pause, d’ouvrir une trêve. Les plans d’exécution du comptoir d’accueil de la société Meistermann attendront quelques jours.
    
    Je finirai plus tard.
    
    Ou pas.
    
    Le temps de boucler mon sac et je me suis avalé les 861 km qui séparent Colmar de Fougères.
    
    Alsace-Bretagne, d’une traite.
    
    Ce matin, j’ai traîné au lit, grasse matinée, jusqu’à huit heures moins le quart, un record ! Après le p’tit-déj’, j’ai passé la matinée à marcher sous la pluie, dans la ville, sans rien voir, rien regarder, juste pour respirer, m’imprégner, me soûler de cette pluie.
    
    Une pluie qui n’est ni meilleure ni pire que celle que je connais chez moi, mais différente.
    
    Juste… différente !
    
    Avant midi, un sandwich. Plus le temps de m’asseoir à une table, l’envie d’océan s’est faite irrésistible. Besoin de revoir la Côte de Granit Rose, ses rochers allégoriques, ses criques sableuses, ses grèves blanches, ses ports tranquilles, endormis déjà depuis le départ récent des touristes.
    
    Alors je roule, tranquille, pépère, sans radio, sans musique, juste bercé par le rythme hypnotique des essuie-glaces ; et celui de mes souvenirs heureux.
    
    Peinard.
    
    — Et l’on se sent tout seul peut-être, mais peinard
    
    Peinard, mais attention Léo, pas amer, désabusé ou sans espoir.
    
    Juste peinard !
    
    Au sortir d’un taillis, le ciel a changé. Le couvercle gris, compact s’est éclairci, morcelé ; j’aperçois quelques bouts de ciel bleu émergeant des écharpes ...
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