1. Liberty


    Datte: 24/08/2021, Catégories: fh, couple, Collègues / Travail vacances, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... l’embouchure de la Narbada. Et qui plus est, dans les premiers jours de septembre 2013. Au cours de nos longues discussions dans la moiteur étouffante du bord, elle sentit mes obsessions remonter à la surface. Prenant les devants, Karina me proposa alors de nous rendre au barrage. L’occasion était trop belle : elle allait pouvoir me confronter à la réalité banale du site afin d’éradiquer mes derniers doutes.
    
    Le prétexte pour se rendre dans le coin était tout trouvé : faire un peu de tourisme en allant visiter la ville sainte d’Omkareshwar à proximité du gigantesque ouvrage. Voyant que Karina était bel et bien déterminée, je louai un 4x4 pour accomplir ce périple de quelques mille cinq cents kilomètres. Nous avions prévu de camper en route, ne sachant pas trop si nous trouverions de quoi nous héberger sur le trajet.
    
    Cette expédition dans les terres nous changeait agréablement des longues journées de navigation, aussi nous prîmes tout notre temps pour visiter la majestueuse région de la Narbada, le long des courbes sinueuses du fleuve presque asséché.
    
    Nous sommes finalement arrivés le seize septembre, en début d’après-midi, sur le versant nord des gorges de la Narbada. Je descendis le premier du Range Rover, m’approchant avec une certaine émotion du bord de la falaise. Avoir participé à la conception de ce géant de béton et d’acier ne m’empêchait pas d’être effaré par sa taille.
    
    C’était censé être la première fois que je contemplais le barrage enfin terminé. ...
    ... Cependant, une pesante sensation de déjà vu m’obsédait. Tout était précisément comme dans mes souvenirs ! Des souvenirs forgés de toute pièce, selon Karina. En ce qui me concernait, la preuve du contraire s’étalait sous mes yeux…
    
    Nous étions résolus à descendre au fond des gorges. Quelques kilomètres avant d’arriver sur les lieux, nous avions traversé un morne regroupement de maisons en torchis, pompeusement qualifié de « village » sur ma carte routière. Dans l’attroupement qui s’était formé autour du 4x4, j’avais réussi à dénicher un vieil hindou ayant l’air de comprendre l’anglais approximatif que je baragouinais.
    
    Avec force gestes et harangues sibyllines, il avait tenté de m’indiquer le moyen d’accéder au lit du fleuve, depuis le bord des profondes gorges. Je ne saisissais pas un mot de son dialecte hindi guttural, mais ses gestes de menton en réponse à mes questions successives nous avaient apparemment mis sur la bonne voie.
    
    Je repérai le chemin de chèvres à peine tracé qu’il nous avait indiqué, et après une périlleuse descente nous atteignîmes le lit du grand fleuve asservi. La sensation d’avoir déjà foulé ce sol était vertigineuse, provoquant en moi un malaise quasi physique. Comme si mon corps avait gardé en lui la mémoire du traumatisme vécu ici avec Franck 2034 et clamait sa désapprobation de revenir sur les lieux.
    
    Karina, inquiète de me voir tourner au verdâtre, me demanda si j’allais bien. Je repoussai à grand peine cette angoisse nauséeuse, et réussis à ...