Le son du marin
Datte: 28/05/2021,
Catégories:
Première fois
Auteur: Diogene67, Source: xHamster
Personne ne m’avait prévenue. Personne ne m’avait dit : « Ce n’est pas la solitude qui te tuera, ce seront les petits bruits ». Des générations de gardiens de phare et pas un indice pour m’avertir. Comme si c’était un secret. Le grand secret des gardiens de phare.
Cela fait maintenant neuf mois que je suis là et je les entends chaque jours, furieusement impuissante à les faire taire. Ils me rendent folle. Et enragée. Ils me traquent sans répit, jours après jours, nuits après nuits. Tous ces petits bruits mécaniques, romantiques, travailleurs, naturels, oniriques, déprimants et des milliers d’autres qui se répètent encore et encore. Certains sont réguliers, d’autres imprévisibles et quelques-uns sont inconnus, inquiétants. Autant de petites aiguilles portées au rouge qui me transpercent dans l’immensité de la solitude qui règne dans le phare.
Parfois, ils m’envahissent à tel point que je ne peux plus rien faire d’autre que les écouter, hypnotisée. Et l’unique manière que j’ai de pouvoir faire quelque chose, c’est de le faire au rythme d’un bruit. J’en choisi un et je me laisse aller à son tempo.
Le seul que j’aime se trouve tout en haut du phare, dans la coupole. Je ne l’écoute que la nuit en regardant les étoiles, le nez en l’air, à jouir de vaincre la solitude quelques instants. La lentille qui donne vie au phare, qui protège celles des marins, tournent sur elle-même en une rotation qui me plonge dans une légère ivresse. À chaque tour, un léger clac se fait ...
... entendre. D’une régularité parfaite, il s’insinue dans mes oreilles et me fait vibrer à chaque fois que je l’entends, de plus en plus pénétrant. J’en suis prisonnière comme un marin et son chant des sirènes.
Une fois, j’ai imaginé que c’était un marin échoué sur la minuscule île sur laquelle se dresse le phare. Il ne portait pour seul vêtement qu’un corsaire blanc et gisait inconscient sur les rochers noirs. Je l’observais d’en haut, penchée autant que je le pouvais au balcon de veille pour mieux le voir. Ses membres s’agitèrent péniblement et il émergea lentement de sa torpeur. Lorsqu’il eut assez de force, il se leva et chancela. Je ne pouvais que voir qu’il était grand, svelte et brun. Sur son corps, du sable et du sang formaient de beaux et cruels motifs.
Il resta debout un long moment et je me décidais à l’interpeller. J’étais trop loin de lui pour voir son visage, mais cela m’importait peu. Il m’avait déjà conquise et sa beauté ne faisait aucun doute. Elle me paraissait évidente.
Chancelant encore, il traversa la plage rocailleuse jusqu’à la base du phare et y entra. Petit à petit le son de ses pas montant l’escalier me parvint. Je n’avais pas entendu de son aussi agréable depuis si longtemps. Je fermais les yeux et me laissa bercer jusqu’au moment où je le devinais franchir les dernières marches.
Je vis d’abord le haut de sa tête et ses mèches brunes, puis il monta une marche de plus et me révéla son visage fin et marqué par le soleil et la mer. Encore une marche ...