MÉDITATION ET AMOUR HEUREUX (1)
Datte: 10/04/2021,
Catégories:
Divers,
Auteur: Emil, Source: Xstory
... naissance ? Et pourtant je ne cesse de la contempler sans arrière-pensée. Ma seule excuse pour mon indiscrétion est de la trouver à mon goût. Je suis absolument sous le charme de sa sérénité de yogi et de ce corps d’une si militante immobilité, tout entier tendu vers le soleil naissant. J’ignore si elle ressent mon regard insistant. Je retourne à deux reprises me baigner puis reviens me consacrer à sa contemplation. Je voudrais l’aborder, mais son handicap et son recueillement m’intimident. Je reste ainsi, voyeur et tourmenté, pendant toute la matinée.
Vers midi, un très jeune homme vient à sa rencontre avec un drôle de fauteuil roulant bas qui ressemble à une nacelle de char à voile. Ses pneus, profondément sculptés, lui assurent une bonne stabilité et une mobilité étonnante dans le sable. Ma voisine, en un geste élégant, prend appui sur son armature et saute élégamment sur le siège. Un pédalier orientable fait office de guidon et lui permet de se mouvoir et de se diriger. Ses gestes restent élégants. Ses jambes semblent incapables de la porter et inertes. Ses bras musclés pallient cette difficulté. Son visage a été opéré d’un seul côté peuplé de cicatrices et laisse voir, de l’autre, une beauté de traits peu commune. Son accompagnateur l’aide à lancer son bolide et la voici qui bouge en autonomie. Lorsqu’elle passe à ma hauteur, je perçois un sourire un peu grimaçant que je rends avec enthousiasme.
Vous comprendrez aisément pourquoi, le lendemain, je me lève tôt et me ...
... précipite à la plage. Ne la voyant pas à la même place, j’arpente angoissé la zone naturiste sur toute sa longueur en vain. Je m’installe, les sens aux aguets. Même en me baignant, je ne cesse de scruter les accès à la mer. En milieu de matinée, je suis enfin récompensé : la voici sur son véhicule tout terrain, seule. Elle est déjà totalement nue. Je suppose qu’elle ôte discrètement ses vêtements dans la pinède toute proche pour ne pas s’exhiber en de peu gracieuses contorsions. Lorsqu’elle m’aperçoit, elle dirige son engin vers moi et vient s’installer tout près en lotus face puis dos au soleil. C’est merveille de contempler son jeune corps si estropié et pourtant si superbe. Elle m’intimide et j’ai du mal à lui adresser la parole, d’autant plus qu’elle reste muette et ne maintient le contact que d’un regard chaleureux. Au bout d’un instant, n’y tenant plus, je lui pose une question anodine. Elle y répond gentiment et me permet de découvrir combien son handicap rend l’expression orale disgracieuse et douloureuse. Elle attrape fermement mon bras comme si elle me suppliait de mettre fin à son supplice. Je la touche en retour, comme pour dire « compris ! » et la sens se détendre.
C’est donc en économisant les mots que nous devons vivre cette proximité, ou presque. Petit à petit, elle m’apprend ses codes : mouvement du corps, toucher de l’épaule, du bras, direction du regard, froncement de sourcils, sourires, balancement du torse. Elle n’utilise la voix que lorsqu’elle y est ...