Dix femmes... dix destins (10) - Histoires de Sexe

Dix femmes... dix destins (10)

Muguette ou l’amour vache

Par ce bel après-midi baigné de soleil, au milieu du parc une flâneuse solitaire recherche du coin de l’œil un banc libre. Une fois celui-ci repéré, elle vient y coller ses fesses et sort de son sac un roman policier. C’est son dada à Muguette les polars. Elle adore les beaux flics ténébreux qui sont un peu borderline et qui savent mieux que personne résoudre des affaires compliquées. Elle ne trouve jamais le bon coupable, et se laisse toujours berner par les esprits retors de ses flics ou privés préférés. Son cœur bat aussi au rythme d’intrigues bien pourries où les rebondissements sont nombreux.

Elle imagine aisément que sa littérature de quai de gare doit en faire marrer plus d’un, mais chacun a les rêves qu’il mérite. Et puis au moins ces bouquins-là lui permettent-ils de lire. Il n’y a plus guère de personnes pour s’adonner à un passe-temps jugé désuet par un monde qui court. Oui, parce que les gens sont toujours en quête de quelque chose. Celle-ci avec son portable greffé à l’oreille, cet autre qui trace, perdu dans ses pensées, où vont-ils donc tous ces passants pressés ?

Là au calme ombrage d’un grand orme, elle peut laisser ses yeux se gorger de lignes, de lettres tracées juste pour elle. Muguette, c’est quarante-trois ans d’une vie sans relief. Une existence aussi plate que son corsage d’où ne débordent guère deux seins qui ne nécessitent aucun soutien, tant ils sont peu développés. Là encore, elle s’en est accommodée durant ...

... toutes ces années. Les hommes qui l’ont fréquenté moins sûrement, puisque pas un seul n’est resté à ses côtés. Pourtant, elle est cultivée, affable, et elle cuisine à merveille.

L’adage qui dit que pour garder un homme, il faut lui remplir la bedaine n’est pas aussi vrai qu’on peut le croire. Ils aiment aussi avoir de quoi se raccrocher et comme chez elle, il n’y a pas grand-chose qui dépasse... eh bien, les plus téméraires sont restés le temps de trouver une poitrine plus volumineuse. Oh ! Elle aime faire l’amour, mais il faut aussi oser et surtout avoir un excellent partenaire pour un partage équitable. Alors les nuits à l’arrache, les petits matins qui déchantent, le creux d’un lit froid, sont le quotidien de cette femme assise là.

Depuis le lycée, endroit où déjà ses camarades bien intentionnés la surnommaient « la limande », son image n’a que si peu évolué. Dans son boulot, elle est une redoutable femme d’affaires, mais sa vie intime ressemble plus à un long fleuve tranquille qu’à un torrent tumultueux. La paire de lunettes qui lui donne un air de maîtresse d’école, posée sur un nez aux ailes bien dessinées, elle n’est pas franchement vilaine. Elle a un certain charme bien sûr. Il ne suffit cependant pas à la rendre attirante, ou alors juste pour une nuit, aux yeux d’hommes croisés au hasard de la vie.

C’est donc dans la lecture facile que se plonge la quadra qui profite de ce samedi ensoleillé. Des gosses piaillent dans l’aire de jeux, sous l’œil attentif de mamans ...