[Sci-fi] Fièvre rose (2)
Datte: 02/05/2018,
Catégories:
Divers,
Auteur: Narcisseique, Source: Xstory
... :
— Mais encore ?
— J’étais chez le docteur Camille. Je...
Je ne sais pas trop quoi dire. J’attends la réaction de Gabby en me mordillant la lèvre inférieure, sans pensées particulières.
— Mmmh. C’est pas gagné.
Gabby saisit une feuille volante sur le bureau, la balaie du regard et continue son interrogatoire :
— Bon, je vais vous poser des questions plus précises.
Après un interrogatoire et des tests psychocognitifs interminables, je suis conduit (e) vers une autre salle. Je soupire d’ennui. Je dois passer une nouvelle batterie de tests, physiques cette fois. Puis, enfin, me voilà relâché(e). Je vais sortir, découvrir la cité, faire des rencontres improbables, toucher le merveilleux du doigt : je suis excité(e), euphorique et ne tiens plus en place.
*
— Lou, arrêtez de vous faire du mouron. Vous n’êtes pas moins capable que les autres et puis, là-bas, vous n’aurez plus ce genre de problème.
Le docteur Camille ramène à mes yeux le dépliant publicitaire de Fièvre rose, " la cité du plaisir " comme ils l’appellent tous. J’ai honte. Je me sens sale comme après la seule fois où je me suis rendu dans un bordel. Il est de notoriété publique que la vie est facile là bas, mais tout le monde sait aussi que c’est un départ sans retour. Il est bien possible de revenir "au monde réel" après Fièvre rose, mais personne ne tient le coup plus que quelques jours, et toujours le revenant retourne à Fièvre rose pour ne plus jamais revenir. Je sais bien qu’il ne ...
... s’agit pas là de relations sexuelles tarifées, de consentements tout relatifs et d’une marchandisation plus ou moins assumée de la chair humaine, mais tout de même. Fièvre rose est une machine à digérer les passions humaines, les flatter, les assouvir et les régénérer à l’infini.
Fièvre rose est un lieu de luxure, un monde d’orgies, de jeu, de repos, de méditation, de théâtre et d’intimité collective permanente, un lieu d’excès et de folies où l’on prend son pied par des chemins insoupçonnés et tortueux.
Ce sont surtout deux choses qui nous freinent, à nous qui sommes restés dans "le vrai monde". Nous avons tous eu vent d’abord des jeux de rôles vicieux, pervers et toujours plus extrêmes qui se déroulent à Fièvre rose. Partagés entre l’envie et la peur, nous ne nous résignons pas à laisser libre cours à toutes nos fantaisies jusqu’au point extrême de ne plus vivre que pour elles. Nous sommes trop fiers. Nous voulons croire qu’une vie d’étude, de labeur et d’inquiétudes plus authentique est souhaitable. Nous refusons de nous plier aux statistiques qui disent que les désillusions et les lassitudes que prévoyaient les pessimistes n’ont, tout bien considéré, jamais lieu là bas. La deuxième chose, non des moindres, touche à la question de la mort humaine. Cette réalité impérieuse n’est plus là bas qu’une mise en scène supplémentaire, un raccourci vers le sas de recommencement permanent où nous sommes accueillis à notre arrivée. La vie s’y déroule "ad infinitum".
Beaucoup s’y ...