L'histoire de Rebecca Reisenbach
Datte: 08/12/2020,
Catégories:
fh,
jeunes,
hotel,
entreseins,
Oral
nopéné,
nostalgie,
regrets,
Auteur: Florestan, Source: Revebebe
... répond que c’est inutile.
– J’insiste !
– Tu préfères pas me garder pour la nuit ?
Et nous nous couchons chastement.
Certains jours je ne suis plus tout à fait sûr de ce que j’ai vu cette nuit-là. Ce doit être le beau milieu de la nuit. Les fenêtres sont trop grandes pour que les rideaux bloquent toute la lumière de la place Thiers. Un frottement de draps m’a réveillé. Brunehilde, qui me tourne le dos, a l’air de se tortiller langoureusement. Ce n’est peut-être que mon imagination, quoique je ne la sache pas si prolixe.
À la fenêtre du Vienne-Paris défilent les plaines. Chaque vendredi soir j’entre dans le wagon de queue, déserté car il faut remonter tout le quai à l’arrivée. J’investis un compartiment vide, éteins tout, et contemple les paysages baignés de lumières hésitantes. L’obscurité, la vitesse et le bruit des rails donnent une esthétique brutale à de paisibles campagnes. Le train rase de vieilles pierres, des haies décharnées, des routes étroites, des jardinets. Le contrôleur me surprend rivé au spectacle. Il m’adresse à peine la parole, et me laisse à ma mélancolie. J’ai choisi de tout taire à Lydie.
Elle est évoquée dans la lettre à Clarisse à mots couverts. Mon récit se conclut sur nos dernières rencontres avec Brunehilde, souvenirs oubliables et envolés : un café en Ville-Vieille je crois, une marche cours Léopold, une conversation dans la rue, près de son lycée.
Mon contrat à Nancy s’achève à Noël comme prévu.
Avec Brunehilde mes rapports ...
... ont toujours été plus compliqués que je ne l’aurais aimé. Aucun de nous deux n’habitait Longwy, mais dans des directions opposées en dehors de la ville. Nous évoluions dans des milieux dissemblables. Thomas en revanche habitait mon quartier, et, au moment où il devint l’un de mes meilleurs amis, il se mit à parler d’elle tous les jours. Je ne prenais pas au sérieux l’idée qu’il la séduise. Il y est parvenu, et je ne leur ai pas adressé la parole pendant trois jours. Ensuite quand nous avons entrepris nos études à Metz, loin de Thomas, je pensais la voir bien plus ; il n’en fut rien. Sans mon passage à Nancy, le point final aurait été cette fois où je la croisai par hasard dans un restaurant universitaire à Paris. Je voulus la saluer. Elle m’ignora comme si nous avions été en froid. Je marchais à ses côtés :
– Brunehilde ! Qu’est-ce qu’il y a ? On ne se parle plus ?
Les yeux baissés, elle ne répondait pas.
De Clarisse j’ai reçu des remerciements polis pour mon récit franc et détaillé. Pendant près de dix ans, j’ignorais ce qu’elle en avait fait.
Les gens les moins susceptibles vous diront quel déplaisir ils ont eu à devenir personnage de roman. On se retrouve affublé d’un prénom abominable, d’un caractère agaçant et d’une élocution factice. Dans le roman de Clarisse je m’appelle Samuel, une sorte de pleutre orgueilleux, intelligent, animé de bonnes intentions mais peu psychologue.
Je l’ai reçu de Brunehilde, avec ce mot :
Je vois que tu as été bavard. Comment ...