1. Hésitation


    Datte: 23/11/2020, Catégories: fh, jeunes, Humour Auteur: Jidé, Source: Revebebe

    Il est tard, la nuit tombe, nous sommes un soir tiède de septembre.
    
    Au pied de l’immeuble grisâtre d’une dizaine d’étages, un unique platane chétif pousse au milieu de l’ancienne pelouse au gazon clairsemé, souillé de mégots, de papiers, de boîtes et de bouteilles de bière ou de soda.
    
    Elle est adossée au tronc du platane. Les bras autour de son cou, elle le tient plaqué contre elle. Il a les mains à plat posées sur ses reins.
    
    Elle est rousse avec une paire de lunettes de soleil plantée dans les cheveux, son visage pâle est semé de taches de rousseur. Ses yeux sombres sont cernés d’une longue ligne bleuâtre qui s’étend jusqu’aux joues Elle est bras nus, maigre, grande, plate, vêtue d’une robe légère teintée de fleurs multicolores défraîchies. Elle a quinze ans peut être…
    
    Il est grand, brun, crépu, vêtu d’une chemise à carreaux largement ouverte et d’un blue jean’s délavé. Bras tatoués, poignet cerné d’un bracelet de cuir. Il a vingt ans peut être.
    
    Ils sont ventre à ventre, face à face, bouche à bouche.
    
    — On va jusqu’au bosquet ? Ta mère nous regarde peut-être de la fenêtre de sa cuisine.
    — Tu rigoles, ma mère est devant sa télé, elle est toute la journée devant la télé, elle sait faire que ça et cuire des macaronis ! Elle descend même pas faire les courses, si j’étais pas là, on becquetterait pas. Pendant ce temps là, son bonhomme picole son RMI en tapant le carton au bistrot de la mairie. Il ne rentre jamais avant minuit et encore, quand il n’est pas ...
    ... trop bourré, alors c’est des copains qui le ramènent et tout ça mènent la java et biberonnent leur gros rouge le reste de la nuit. Encore beau quand ils se battent pas. Pendant ce temps là, les voisins gueulent en tapant contre les murs. Alors le matin, ils sont crevés et m’appellent pour faire le jus et le leur porter dans leur niche.
    — Qu’est-ce que tu veux y faire, la vie c’est comme ça, y’a pas qu’eux ! On pourrait marcher jusqu’au bosquet quand même !
    — Non, n’insiste pas, j’sais bien pourquoi tu veux m’embarquer, tu crois comme ça que je me laisserai faire, je t’ai dit que je ne voulais pas.
    — Tu me l’avais pourtant promis.
    — Oui, comme ça, pour te faire plaisir, pis c’est vrai que par moment j’en avais envie aussi, mais faut réfléchir aux conséquences.
    — Quelles conséquences, faut pas avoir toujours la trouille ?
    — On ne sait pas ce qu’il peut arriver, un accident c’est vite fait et il peut y’en avoir pour toute la vie, et pis ma mère ne veut pas.
    — Quoi ! T’es dingue, t’en as parlé à ta mère ?
    — Non, pas exactement, mais elle m’a déjà dit qu’il fallait garder ça précieusement, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver, elle me répète que c’est mon seul patrimoine, ma petite dot, qu’il faut que j’attende le mariage pour m’en servir, nous ne sommes pas encore mariés !
    — Non, pas encore, mais peut-être quand tu seras plus âgée.
    — Ah ben oui, peut être, c’est ça, à la Saint Glinglin. Pis dis, ça, ça repousse pas, quand c’est perdu, c’est foutu !
    — Ah non, écoute ...
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