1. File d'attente


    Datte: 22/11/2020, Catégories: portrait, Humour Auteur: Giusepe, Source: Revebebe

    ... en regardant Madame Butterfly se faire enculer par le Commandeur, tandis que Tosca lèchera le sexe de la Reine de la Nuit sur les remparts de Séville…
    
    Tout à sa rêverie, il ne s’est pas aperçu que Geneviève vient sournoisement de le doubler par la droite.
    
    Geneviève a très vite analysé la situation : cette file d’attente est bien trop droite, bien trop nette. À elle la rectitude, aux autres le désordre ! Il faut absolument briser l’aspect linéaire de la file. Il faut brouiller les cartes, éparpiller les gens, les disperser aux quatre coins de la boulangerie, créer du mouvement, pour pouvoir feindre innocemment ne plus connaître sa place. Il faut savoir profiter de la moindre occasion. Geneviève est aux aguets, tous sens en éveil. Elle est une lionne dans la brousse, un serpent sur une pierre. Elle a repéré dehors une personne qui s’approche de la porte d’entrée. Dès que celle-ci s’ouvre, hop ! Un petit pas sur la droite, et dans la petite bousculade qui a suivi, elle parvient à se glisser devant quelqu’un, l’air de rien. Elle jubile. C’est toujours ça de gagné. Elle regarde discrètement le bonhomme qu’elle vient de doubler ; il a vraiment une tête d’ahuri, celui-là. Elle croit se souvenir qu’il travaille à la poste, et qu’il s’appelle Serge Fouvel, ou Nouvel, un truc comme ça. Il a vraiment l’air d’un abruti. Et puis, qu’est-ce qu’il a à sourire tout seul, comme un cornichon ? Un vrai couillon, celui-là, il n’a même rien vu ! Geneviève jubile derechef. Quelle bande de ...
    ... cornichons ! Et ça ne fait que commencer, on va voir ce qu’on va voir.
    
    La personne qui vient d’entrer dans la boulangerie est un tout jeune homme de 16 ans se prénommant Jordan. Jordan se consume d’amour pour Justine, la boulangère. Il ne pense plus qu’à elle, il en perd le sommeil, il ne fout plus rien, il n’a plus goût à rien, et sa maman est bien inquiète. Les copines de son lycée lui paraissent fades et inintéressantes. Il ne les voit même pas, il ne voit qu’elle, Justine, tout en ignorant qu’elle s’appelle Justine, d’ailleurs. Tous les prétextes sont bons pour aller chercher du pain. Manque de bol, la maman de Jordan achète souvent son pain au supermarché, ce qui met Jordan dans une rage folle. La pauvre mère ne comprend pas pourquoi, soudainement, son grand fils ne supporte plus les baguettes du supermarché, pourquoi il défend avec véhémence la cause des artisans-boulangers qui travaillent à l’ancienne, lui qui ne veut jamais manger à la maison et préfère aller au McDo, franchement, il y a de quoi tourner bourrique.
    
    Par un accès d’audace qui caractérise les grands timides, Jordan a réussi à prendre une photo de Justine avec son portable, en faisant semblant de recevoir un appel alors qu’il attendait son tour dans la boulangerie. La photo est complètement ratée, elle est floue, de guingois, on ne voit qu’un bras, une épaule et la moitié du visage, mais cela n’empêche pas Jordan de se masturber trois fois par jour en la regardant, plus précisément en fixant d’un œil ...
«1234...10»