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L'image du désir
Datte: 07/04/2018, Catégories: h, campagne, cérébral, nopéné, Auteur: Furinkazan, Source: Revebebe
... racheter au propriétaire ce local dès le jour où le bruit avait couru dans le village que le « peintre anachorète » (c’était son autre surnom) était parti en abandonnant tout. Les gens n’avaient pas été plus émus que ça. Au fond, ce singulier personnage avait déjà démontré par le passé des signes ostentatoires de folie et cela suffisait sans doute à valider l’hypothèse d’une ultime étrangeté d’un maniaque des pinceaux dont l’excentricité croissait proportionnellement avec son âge. Du moins était-ce l’opinion commune. Et puis tous les artistes ne sont-ils pas un peu fous ? Kyle s’était pourtant complu à persévérer dans l’idée d’un ineffable secret qui entourait l’activité du peintre. Ce peintre ne montrait jamais ses toiles, alors que les artistes ont toujours ce minimum d’élan qui les porte à montrer aux autres leurs propres créations. L’attitude autodestructrice de ce peintre était profondément ambiguë : était-ce une manière voilée d’annoncer symboliquement sa propre fin ? Peut-être considérait-il ses œuvres comme des extensions de lui-même. Ou bien, comme Kyle le pensait, la destruction par le feu de son œuvre devait revêtir la signification spirituelle d’une purification. Pour percer ce mystère, Kyle savait que le seul moyen consistait à acheter la maison en l’état afin de voir dans l’intimité de l’atelier les toiles qui avaient été si longtemps dissimulées. Désormais, il avait accès à l’un des endroits qui avait le plus souvent nourri son imaginaire. Il savait ce ...
... que sa passion pour la peinture devait à cette attraction presque malsaine, à ce besoin compulsif de savoir ce qui se passait dans cet atelier mais aussi à cet étrange sentiment d’angoisse, sinon de peur, qui pouvait l’étreindre lorsqu’il songeait que le peintre restait enfermé parfois trois ou quatre jours d’affilé. Mais ce premier contact fut une première déception, un peu comme celle qu’on éprouve d’une future rencontre qu’on a tant attendue et dont on a tant attendu qu’elle se révèle finalement ordinaire, presque banale. Tous les tableaux étaient centrés sur un unique thème : le corps de la femme, et il faut avouer que ce n’était guère original. Différentes perspectives étaient étudiées et chacun des tableaux omettait de façon quasi-obsessionnelle de représenter… la tête. Des corps sans tête dessinés au crayon, rien de plus. Voilà à quoi était réduite toute l’aura impénétrable dont s’était entouré ce vieux peintre mythomane qui tentait de faire croire qu’il dessinait des œuvres si belles qu’elles ne méritaient pas d’être foulées par l’œil humain. Au moins l’on pouvait dire qu’il avait un souci extrême du détail et les muscles du corps, leurs moindres replis étaient représentés avec un saisissant réalisme. Mais rien de plus. Kyle continuait de fouiller ce petit atelier sans même se préoccuper du reste de la bicoque, il savait de toute façon qu’il ne l’avait pas achetée pour y habiter. Au milieu de la poussière et des pinceaux, il aperçut des toiles superposées qui ...