1. Quatre refus pour un concours.


    Datte: 18/12/2025, Catégories: nonéro, #exercice, Auteur: Someone Else, Source: Revebebe

    Comme quasiment tous les jours de l’année, les nuages sont gris sur l’immense métropole poussiéreuse. Aïcha regarde le ciel au travers des barreaux de sa cellule, mais il y a belle lurette qu’elle a perdu tout espoir de sortir un jour de ce trou à rat… De toute façon, cela fait également des années qu’elle sasse et ressasse le fil des événements pour en arriver toujours à la même conclusion, à savoir qu’il n’y avait décidément pas de bonnes solutions à son problème. Pour autant peut-elle se dire qu’elle a choisi la moins mauvaise ? Elle ne le saura jamais… Et ça, elle en a parfaitement conscience.
    
    Fille d’un riche marchand, sa vie avait pourtant bien commencé, l’on avait même été jusqu’à l’envoyer en cachette à l’école où elle avait appris à lire et à écrire, chose assez exceptionnelle dans ce petit pays du Moyen-Orient où la paix n’a jamais été autre chose que le court laps de temps qui s’écoule entre deux guerres.
    
    Par chance, pendant ses quelques années d’études, les conflits avaient la bonne idée de se tenir loin de son école et l’institutrice, impressionnée par les résultats de la fillette, l’avait même poussée à aller plus loin, paradoxalement bien aidé en cela par un père qui ne se préoccupait absolument pas de l’avenir de sa fille et, finalement, c’était tant mieux… S’il avait appris qu’elle faisait des études, il serait entré dans une colère noire, lui pour qui une femme qui sait lire est une femme dangereuse !
    
    En ce qui concerne sa mère qu’elle chérissait ...
    ... plus que tout, elle n’avait de toute façon pas son mot à dire : les femmes, là-bas et encore une fois, ça fait des gosses et pour parler vulgairement, cela ferme sa gueule… Mais Aïcha, elle, aurait bien aimé l’ouvrir, et c’est précisément pour cela qu’elle faisait des études. Un jour, elle parviendrait à décrocher son diplôme, elle partirait à l’étranger où son talent serait enfin reconnu et lorsqu’elle reviendrait dans son pays, elle en serait devenue le symbole.
    
    Mais ça, c’était sans compter deux événements qui allaient changer le cours de sa vie : d’abord, il y avait le beau Farid dont elle était tombée amoureuse. Un beau parti, le Farid, puisque son père travaillait à l’ambassade de France et avait promis de tout faire pour qu’elle puisse y aller finir ses études. Tout s’annonçait sous les meilleurs auspices, d’autant que le prétendant de notre héroïne était du genre patient et qu’il ne la poursuivait pas de ses avances. C’est presque dommage, se disait-elle au fond de sa cellule, je lui aurais sans doute cédé et il me serait au moins resté le souvenir de sa peau contre la mienne, mais au lieu de cela…
    
    Mais c’était sans compter avec le mari qui venait de lui être assigné et qu’elle devrait épouser, qu’elle le veuille ou non…
    
    Il avait soixante ans bien sonnés et, bedonnant, le visage couvert de points noirs et le cheveu gras, l’œil porcin et le regard éteint, il n’avait pour lui que sa fortune, héritée de ceux qui n’avaient eu que la bonne idée de naître avant lui. ...
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