Quarante textes sur la laideur et autres féroces amusements
Datte: 28/08/2019,
Catégories:
bizarre,
laid(e)s,
collection,
humilié(e),
nonéro,
exercice,
portrait,
Auteur: Raphaël Zacharie de Izarra, Source: Revebebe
... appas provoquait le dégoût, la pitié, voire les quolibets. De cette créature accoutumée à l’abstinence, aux concerts des cloches d’églises, au silence des cimetières et aux murmures des confessionnaux, on ne voyait que les côtes qui ressortaient, la peau trop pâle, l’allure étriquée. Cette femme était un squelette, un corps décharné. Même le Diable n’aurait pas voulu d’une si piètre compagne d’alcôve. Elle exposait ridiculement sa poitrine plate aux regards, se déhanchait maladroitement sur le sable, s’ébattait stérilement dans les flots comme si elle voulait rivaliser avec les beautés charnelles qui l’entouraient… Le spectre dansait, tandis que les Vénus doraient au soleil.
Elle retourna dans son village plus fielleuse que jamais, maudissant les hommes parce qu’ils n’avaient pas daigné poser leurs regards concupiscents sur ce qu’elle pensait être un "trésor préservé". Elle se consola en se plongeant de plus belle dans la lecture de ses missels, en usant entre ses doigts de momie ses sempiternels chapelets, en multipliant ses promenades morbides au bord des tombes. Ce qui la rendit encore plus laide, plus honnête, plus vertueuse, plus infréquentable.
Son existence fut un grand désert. La chasteté, la solitude, l’ennui furent ses compagnons de route, les seuls qu’elle admît. Elle mourut dans le plus parfait anonymat sans que son irréductible vertu ait reçu la moindre récompense. On l’inhuma en modestes pompes. Elle fut vite oubliée.
Ainsi en est-il du destin des ...
... vieilles filles laides et acariâtres.
Sur sa tombe nul n’alla jamais se recueillir. Sauf moi : je suis allé la visiter un jour. J’ai éprouvé le désir de laisser sur sa sépulture la trace éphémère de mon passage. Je me suis penché sur le marbre médiocre, lentement, solennellement.
Pour y déposer un crachat.
Je ne vous oublie pas, laide chartraine. Vous demeurez chère à mon cœur, vous qui avez si bien su me faire aimer les faces de gargouilles. Et les larmes des poupées de chiffon. J’aime vos yeux, beaux comme des étangs. Vos lèvres closes sont comme la rose sous le givre : sanguines, glacées.
Amante onirique, vous le visage sans beauté, vous le front de misère, votre couronne d’épines m’agrée. Vous plaisez à mon cœur, adorable victime. Si frêle, si pâle… Je célèbre vos grâces arides. Vous êtes un cantique, une arène, un tombeau. Cristal et austérité se mêlent en vous.
Je vous préfère aux fatales créatures à l’œil cerclé de noir : votre sécheresse vous confère une authentique beauté. Vous portez un deuil radieux. Votre mélancolie met du feu dans vos prunelles. Belle vous êtes, vous la contadine, vous la misérable, vous l’éplorée. Que ne vous ai-je proposé un amour pervers et beau jadis, sous le ciel chartrain ?
Affligé je suis, moi l’esthète, moi le cruel, moi la plume.
Mademoiselle,
Ce soir la Lune est grise, je n’ai plus de chandelle et je trempe ma plume dans la nuit. Mademoiselle, vous êtes ma morte aimée et votre beauté blême flatte mon âme esthète. Ma ...