Inhumain - Histoires de Sexe

Inhumain

... s’approcha et demanda d’une voix laconique :

— Une chaussure et la bouteille ?
— Ça peut se négocier, répondit l’homme d’un ton morne en se relevant.

Il guida la jeune fille derrière la masure à laquelle il était adossé et défit sa ceinture alors qu’elle s’agenouillait à ses pieds. L’homme puait un mélange de boue, d’alcool et de matières organiques. Lora fit abstraction de l’odeur, elle-même ne s’était pas lavée depuis un certain temps. Elle fit abstraction du goût, elle avait connu pire. Elle s’activa sans passion et sans émotion. Au bout d’un moment, l’homme se mit à haleter, alors elle le retira de sa bouche et déclara :

— Pour aller jusqu’au bout, c’est le blouson en plus.

L’homme acquiesça. L’occasion devait être suffisamment rare pour qu’il sacrifie un blouson.

Lorsque enfin il éjacula, Lora cracha dans la boue et s’essuya la bouche avec la manche de sa veste. Elle repartit avec une chaussure trop grande et ouverte à l’avant, une flasque d’alcool écœurant et un vieux blouson rapiécé. Au moins ce soir elle aurait moins froid et pourrait un peu oublier le monde dans lequel elle subsistait.

Elle n’avait pas beaucoup avancé dans ses réflexions et il lui restait le quart de la flasque quand elle entendit quelques heures plus tard une voix appeler son nom. Elle se retourna et vit une jeune fille rousse comme elle qui s’approchait sans se presser.

— ‘Jour, Julia. Ça faisait longtemps.
— On s’est pas vues depuis l’Arrivée. Comment tu t’en es sortie ? ...

... Les parents étaient fous d’inquiétude.

La question était posée sur le ton de la demande d’information. Julia avait constaté qu’elle était en vie, elle se demandait vaguement comment ça se faisait.

— J’ai appris à m’adapter, comme tous ceux qui ont survécu. Comment ils vont ?
— Morts.
— Ah.

Lora n’était pas surprise, et elle avait épuisé son stock d’émotion pour le moment. Peut-être que, d’ici quelques années, elle pleurerait en y repensant, mais à l’heure actuelle elle n’était plus capable que d’éprouver une pointe de regret.

— Tu fais quoi dans le coin ? demanda Julia.
— Je cherche.
— Quoi donc ?
— Autre part.

Le silence s’installa pendant quelques minutes, puis Julia dit :

— Dors chez moi cette nuit, si tu veux. En échange on partage la bouteille.
— Si tu veux. Je crois que ça me fera du bien.

Elle suivit donc sa sœur jusqu’au tas de tôle qu’elle appelait « chez elle » et elles s’allongèrent côte à côte pour contempler la rouille du toit, en se faisant de temps à autre passer la bouteille pour en boire une gorgée.

— Tu étais où, le soir où ils sont arrivés ? demanda Julia au bout d’une demi-heure.
— Avec un garçon. Il m’a emmenée au sommet de la colline avec son équipède et on faisait l’amour sous les étoiles. Je me souviens que je trouvais ça romantique. Et puis on a vu un vaisseau descendre du ciel. Lui, il est allé les saluer et il s’est fait tuer. Moi, je me suis cachée sous l’équipède. Et toi ?
— J’étais en train de regarder la télé avec ...