Le Patriarche (1)
Datte: 31/07/2019,
Catégories:
Divers,
Auteur: Pygmalion, Source: Xstory
Aussi loin que je me souvienne, j’ai passé toutes mes vacances d’été au château de Tenneville avec ma famille. C’est un domaine vaste et idyllique avec de grands et magnifiques jardins à la française, un étang artificiel abritant des carpes koïs, quelques belvédères et un labyrinthe végétal datant de l’époque où la noblesse locale avait transformé un pavillon de chasse en palais somptueux. Le domaine est bordé par la forêt de Freyr, nommée d’après une ancienne divinité païenne de la fertilité, dans laquelle de nombreuses chasses à courre ont été organisées au fil des siècles. On trouve aussi au village voisin la chapelle de Saint-Hubert, patron des chasseurs, située à l’endroit précis où il aurait eu une révélation divine entre les bois d’un cerf (comme sur l’étiquette des jägermeister). Le maître actuel de cette propriété est un homme que les gens du lieu appellent « Le Patriarche ». Sa famille a acheté le château au XIXe siècle et l’a entièrement restauré et entretenu au point qu’il a survécu aux deux guerres mondiales.
Pour ma part, je m’appelle Antoine et j’ai dix-huit ans. Je suis un jeune citadin qui n’a d’apparence rien à voir avec cet endroit reculé et d’un autre temps. Si depuis toutes ces années, je passe mes vacances dans ce cadre enchanteur, c’est parce que mon arrière-grand-mère était une amie de cette famille aisée. Nous devons ce privilège au Patriarche qui a, depuis quarante ans, décidé d’inviter pour les vacances les familles qui fréquentaient autrefois ...
... ses aïeux. C’est un homme relativement solitaire qui, nous disait-il, voulait retrouver la vie de famille trépidante qu’il avait perdue en même temps que ses parents décédés et sa fratrie exilée qui l’avait laissé seul à gérer le domaine familial. Nous n’étions pas les seuls invités d’ailleurs puisque deux autres familles séjournaient pendant les deux mois d’été avec nous. En tout et pour tout, nous sommes dix-neuf pour trois familles complètes.
Le bâtiment en lui-même est divisé en deux parties bien distinctes. L’aile ouest est ce que l’on appelle la résidence familiale : c’est ici que tout le monde loge la plupart du temps, les nombreuses chambres accueillant facilement les différents groupes. Si les couples dorment ensemble avec leurs nouveau-nés, les autres enfants sont installés dans des chambres aux allures de dortoirs où garçons et filles sont séparés. Les quelques salles de bains sont en revanche mixtes, ce qui ne dérange personne, car il nous arrivait souvent avec les autres de nous baigner nus dans la petite rivière traversant notre partie de la forêt. Nous avons également des salles de jeux avec des baby-foot, des jeux de société en pagaille et autres activités d’intérieur. Bref, un véritable palace. De l’autre côté se trouve l’aile est, réservée elles aux adultes : eux seuls savent ce qu’il y a là-bas. Quand j’étais petit, mes camarades et moi imaginions tout un tas de choses mystérieuses comme des ateliers d’alchimie où le Patriarche fabriquait tel un sorcier ou ...