Sous les saules
Datte: 23/11/2024,
Catégories:
f,
fh,
poésie,
Voyeur / Exhib / Nudisme
Auteur: Landeline-Rose Redinger, Source: Revebebe
... boisson, un billet doux, un mot coquin.
Un peu plus loin sur un ponton, non loin d’une péniche accostée, je me suis allongée nue, espérant un jogger égaré. Mais personne, non, n’est passé. Que de la péniche une jumelle m’ait observée, elle aura vu une femme en plaisir, et cette idée-là m’est restée un peu comme une offrande, un cadeau qu’on n’oserait pas déballer.
Après j’ai marché, traversé une passerelle liseronnée, entrée dans la cour d’un château.
— On entre ici comme on le veut ! ai-je lancé au vieil homme affairé.
— Oh ! Mais je vous ai guidée, oh ! mais je vous attendais ! a fait cet homme devant son chevalet. Mettez-vous nue, mademoiselle, et laissez la robe à vos pieds.
Sans étonnement et sans crainte, je me suis exécutée. Longuement ainsi j’ai posé. Après, longtemps après, un jour d’automne, rue Santos-Dumont, on a livré une toile et un mot émouvant :
J’ai souri, j’ai souri et j’ai pleuré.
La soirée apportait quelques friselis de fraîcheur. Ma peau allait se raffermir, mon corps nu s’engourdir. J’ai repris le chemin de halage, les guinguettes s’animaient de gens endimanchés, un homme saoul m’a accostée, un autre a joué les guerriers, un troisième m’a courtisée. Mais je n’avais plus rien à donner. J’aurais pu laisser mon corps aux furieux, ouvrir mes jambes aux affolés, mais c’eut été souiller la toile que le vieux peintre pour les jours qui lui restent allait peaufiner, travailler jusqu’à l’œuvre ultime achevée.
Alors je suis partie tranquille, retrouver ma mini-voiture, traverser les rues de Paris, rejoindre mon impasse éloignée. Me suis couchée sans me baigner, la journée collait à ma peau, j’avais surpassé le désir, combattu les démons qui me tenaient. Aucun sexe ne m’avait pénétrée, aucune main ne m’avait souillée, je gardais en moi ce plaisir, mais demain serait un autre jour.