Putain de soirée
Datte: 12/08/2024,
Catégories:
Entre-nous,
Hétéro
Auteur: Laetitia sapho, Source: Hds
New York,
Un lundi soir d’automne,
Le temps s’égrenait doucement. Il était à peine quatre pintes et demie, dans ce bar du côté de Brooklyn où Jack Sterling végétait le nez dans son verre.
« Il y a trop de monde à ce bar, se dit-il. On ne s’entend plus boire. On peut à peine s’entendre penser ».
Penser à Beverly, sa jeune maîtresse, penser à son boulot, à la maison, à Judith, son épouse à ses enfants Tom et Meredith, sans éprouver de chagrin, juste quelques vagues remords.
Et puis viendra le moment où il ne pourra plus penser, et ce moment approchait. A grands pas même. Il l’attendait avec impatience ce moment, on va dire. Celui où ses quelques remords allaient s’envoler.
Ce n’était plus qu’une question d’une ou deux pintes de bière. Vers six pintes, six pintes et quart au pire, l’instant attendu arrivera.
Bientôt, il pourra oublier Beverly. Il oubliera aussi son retour à la maison, le retour vers Judith, Tom et Meredith.
Ce n’est pas que ce soit foncièrement désagréable de rentrer, c’est seulement que tous les types comme lui étaient mariés à des femmes appelées Judith, ou Shirley, ou Susan. Ils avaient tous deux gosses appelés Tom et Meredith ou Paul et Charlène, Ted et Kimberley, ou on ne sait quoi. Et même des maîtresses prénommées Beverly ou Janet ou Lindsay …
Dans une bière et demie, il oubliera son travail, ce qui était le plus important finalement.
Bizarre de se dire qu’il avait souhaité cette place de directeur commercial dans sa boite, ...
... avec les pleins pouvoirs et tout. Mais à présent que c’était lui le chef, ce n’était qu’une corvée de plus. Pourchasser le client, trouver des marchés, écraser la concurrence, débusquer et embaucher des jeunes loups prometteurs, qui peut- être (surement), dans quelques années lui piqueront sa place.
Ils avaient tous le même profil, celui du jeune gars ou de la jeune femme qui doit choisir entre la commercialisation avilissante de ses principes, la vente de son âme d’un côté et la sauvegarde de son intégrité personnelle de l’autre.
Devinez ce qu’ils choisissent systématiquement ?
Ça vous étonne ? Jack lui n’est jamais étonné de leurs choix.
Il haïssait ces jeunes loups et ces jeunes louves. Peut-être parce qu’il l’avait vécue cette histoire. Peut-être qu’il avait suivi le même chemin et fait les mêmes choix. Sûrement parce qu’en les regardant faire, il se revoyait quelques années plus tôt.
D’ailleurs, Judith, sa blonde épouse n’avait pas non plus prononcé la plaidoirie de la pauvreté financière préférable à la pauvreté spirituelle. Elle s’était très bien accommodée d’un train de vie plus que satisfaisant et de la non nécessité de travailler de son côté.
Et lui, il n’avait pas joué la scène où il était censé foncer dans le bureau du big boss pour lui dire qu’il dégageait de là et retournait à un travail créateur, honnête et enrichissant intellectuellement parlant.
Maintenant, il était quelqu’un d’important dans sa boite, avec une vie sociale riche, des amis, ...