Lundi matin
Datte: 29/06/2019,
Catégories:
Entre-nous,
Les femmes,
Auteur: Nadir, Source: Hds
Lundi matin
Comme toutes les semaines nous sommes en réunion de service. Comme toutes les semaines tout le monde est fatigué. Comme toutes les semaines j’attends ce moment pour la voir, pour échanger un regard, pour la faire sourire.
Elle est au bout de la table et discute avec un collègue. Ses cheveux bruns ondulent tranquillement. Je n’entends pas leur conversation et m’évade dans sa contemplation. Ses lèvres et sa bouche simplement, parfaitement dessinée. Ses yeux rieurs. Ses mains agiles qui contribuent, elles aussi, à ces échanges inaudibles. Son corps fin et musclé, aujourd’hui dissimulé par une belle écharpe colorée.
Elle passe la main dans ses cheveux pour les ébouriffer un peu. J’imagine que ce geste m’est destiné. Je le pense, au fond de moi, ses exclamations, ses convictions, ses soupirs sont faits pour moi. Pour me plaire sans me le dire.
*
C’est l’histoire de ma vie, ces amours impossibles. Ces amours non formulées, non dévoilées. Ces femmes auxquelles je vouais une passion réfrénée. Celles qui venaient m’embrasser, celles que j’admirais, celles qui me réchauffaient, celles que je réconfortais. Toutes ces femmes qui m’aimaient seulement dans les bras de Morphée. Ces femmes qui ont nourri mes rêves depuis mon enfance, aucune n’a jamais su le désir que je leur portais.
*
Une fois de plus je songe à sa voix, à ses mouvements infimes, à sa douceur et me laisse envahir. Je m’évade du bureau et me laisse guider par elle. Cette fois nous serions ...
... dans son appartement et elle serait triste. Je la consolerait puis l’enlacerait. Elle me regarderait et nous nous embrasserions. Tout serait chaud et tendre. Mes mains glisseraient dans son dos et elle commencerait à lâcher prise.
Une fois de plus je redescends sur terre. De retour dans cette salle où elle seule illumine l’espace, où elle seule fait s’arrêter le temps quand nos regards se croisent enfin.
La réunion s’achève, elle se lève et me frôle en sortant. Son parfum épicé vient délicieusement me chatouiller les sens. Dans le tumulte des collègues, je la regarde s’éloigner en admirant ses formes. Elle est belle à en mourir et, comme toujours, je reste seule avec mon cœur. Lui est vide et asséché, moi amoureuse et j’ose au moins me l’avouer.
*
Ce fut l’amitié qui avait dicté ma vie pendant longtemps. Par crainte que ces femmes désirées ne comprennent l’amour que je leur portais, je jouais la bonne copine. Je n’osais pas montrer plus et ne dévoilais jamais le fond de mon cœur. J’étais la confidente, la protectrice, la fille sur qui on peut compter, l’amie qui ne piquait pas les petits copains, celle qui ne leur faisait pas de l’ombre et les complimentais souvent.
*
C’est la pause-café et comme toujours elle passe à mon bureau pour m’y inviter. Je la taquine et nous rigolons en chemin. Dans ce couloir où nous marchons je revois des brides de rêves où elle est avec moi, où je l’embrasse passionnément entre deux portes, des rêves où nous nous tenons furtivement ...