L'escalier d'Escher - Histoires de Sexe

L'escalier d'Escher

... civilités d’usage, j’en viens au cœur de mon problème :

— Madame Delvoix, je voulais vraiment, vraiment vous remercier pour la proposition que vous m’avez faite lundi. Mais…
— Ah, tu préfères abandonner. Je comprends, c’est particulier.
— Non, non, ce n’est pas ça. Le souci, c’est ce qu’il y avait dans l’enveloppe !

Madame Delvoix a l’air à la fois rassuré que je ne veuille pas renoncer à tester ses modèles, mais également bouleversé, comme si elle avait commis un impair impardonnable. Le changement par rapport à son humeur quand je suis arrivée est saisissant ; j’en reste comme deux ronds de flan.

— Tu… tu trouves que ce n’était pas assez ?
— Mais, je… Non !
— Tu aurais préféré plus d’argent plutôt qu’un ensemble ? Je suis bête, bien sûr : dans ta situation, c’est d’argent dont tu as besoin.
— Mais, Madame Delvoix, c’est déjà trop, beaucoup trop ! J’ai juste passé quelques dessous ; ça n’a même pas duré deux heures. Je ne vaux pas tant.

Elle change brutalement de ton et son visage se fait dur :

— Ne dis plus jamais ça, Claire.
— Mais…
— Non, tais-toi. Ne te dévalorise jamais, jamais, surtout devant moi.
— Mais…
— Tu peux toujours estimer que ton travail mérite plus ou moins ; mais ta personne, elle, elle est inestimable.

Je rougis de gêne, et un peu de honte de m’être ainsi fait rabrouer sur une question que je juge purement sémantique.

— Bon, je vois qu’il te faut des arguments plus terre-à-terre pour te convaincre. Alors, sache que, grâce à ...

... toi et ton aide que tu juges de si peu de valeur, j’ai pu améliorer les modèles que nous avons testés ensemble et j’en ai vendu de nombreux exemplaires cette semaine. Alors, tu vas me faire le plaisir d’aller au rayonChloé que j’ai installé là-bas. Tu vas regarder attentivement les étiquettes pour mieux les oublier avant de choisir un deuxième ensemble en plus du rouge que je t’avais promis. Je te ferai un bon prix dessus.
— Mais…
— Et n’insiste pas. Je suis commerçante : tu ne vas pas m’apprendre la négociation. Si tu continues, je serai obligée de t’en faire choisir un troisième. Et ce sera tant pis pour toi. Allez, file. Tu sais où est la cabine d’essayage. Enfin, seulement si tu en as besoin ; je ne veux pas te forcer.
— Alors je…
— Oui ! Et puis, après tout, tu as raison : je t’ai peut-être trop payée.
— Vous voyez bien que…

J’ai l’impression d’assister à un match de tennis de table ; mais du point de vue de la balle.

— Oui, oui. Tu as pensé à faire de la pub auprès de tes copines et de leurs mères pour mes modèles ?
— Euh, ben…
— Voilà, j’en étais sûre. Bon, tu sais ce qu’il te reste à faire. Si elles viennent acheter de ta part, je leur ferai une remise. Et tu auras ta com’ habituelle, bien sûr.

C’est de la folie ! Et pas juste un grain. Mais qu’est-ce qu’elle a, aujourd’hui ? Je préfère ne plus insister. De toute façon, négocier quand on n’est pas capable d’aligner deux mots de plus d’une syllabe, c’est pas la peine. Je n’en reviens pas de ma chance : je ...